secret médical médecin

Un médecin peut déroger au secret médical lorsque les besoins de la défense du professionnel l’imposent strictement.

En effet, le secret médical est le principe et la dérogation à ce secret l’exception. Explications dans cet article avec une décision récente du Conseil d’Etat en date du 22 août 2023. 

🔷Faits

Un patient a porté plainte devant la juridiction disciplinaire ordinale contre un médecin qualifié en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.

Ce médecin avait pratiqué une pénoplastie d’allongement et d’augmentation du volume de la verge, puis une seconde intervention dite de retouche et enfin une injection d’acide hyaluronique.

Une expertise a établi qu’il souffrait de graves séquelles en lien avec les interventions auxquelles ce praticien avait procédé. Les séquelles de cette opération ont privé le patient de toute vie sexuelle, cette situation l’a plongé dans un désarroi le conduisant à une hospitalisation en psychiatrie suivie de deux   tentatives de suicide.

Par une décision du 18 septembre 2018, la chambre disciplinaire de première instance d’Île-de-France de l’ordre des médecins a infligé à ce médecin la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de six mois dont trois mois assortis du sursis.

Par une décision du 9 février 2022, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a, sur appels du patient et du médecin, fixé à deux ans dont un an assorti du sursis la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de médecin infligée en première instance.

Le patient saisit le Conseil d’Etat.

L’intérêt de cette décision réside dans la détermination de la violation du secret professionnel dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

En effet, lé médecin mis en cause a produit devant la juridiction disciplinaire de première instance le bilan de la prise en charge de ce patient par le centre hospitalier Charcot en 2014, établissement public de santé spécialisé dans la prévention et la prise en charge de la maladie mentale.

Le patient reproche à la chambre disciplinaire nationale de n’avoir pas vérifié si la production par le médecin, d’éléments relatifs à sa santé mentale était strictement nécessaire. Il considère que ce médecin a violé le secret professionnel.

🔷Droit applicable

L’article L. 1110-4 du code de la santé publique qui dispose que le secret médical s’impose à tout professionnel intervenant dans le système de santé « excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi».

L’atteinte au secret médical est possible si elle est la conséquence nécessaire d’une disposition législative (Conseil d »Etat, 8 février 1989, Conseil national de l’Ordre des médecins et autres,  n° 54494  ; Conseil d’Etat, 4 octobre 2019, D…, n° 40599).

L’article R. 4127-4 du code de la santé publique :

« Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ».

Sur le plan pénal, l’article 226-13 du code pénal prévoit ainsi que la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire par profession est punie d’un an d’emprisonnement et de  5 000 euros d’amende .  

En ce qui concerne la jurisprudence: 

Le principe : le secret médical a un caractère général et absolu

Pour le Conseil d’Etat, l’obligation pour le médecin de respecter le secret  professionnel « a un caractère général et absolu et ne cesse que dans les cas déterminés par les dispositions législatives » (Conseil d’Etat,12 avril 1957).

Pour la Cour de cassation « l’obligation au secret professionnel […] s’impose aux médecins, hormis les cas où la loi en dispose autrement, comme un devoir de leur état [et] que, sous  cette seule réserve, elle est générale et absolue » (Cass. Crim., 8 avril 1998, n° 97-83.656,  Bull. crim., n° 138).

Exception : Dans quel cas un médecin peut-il lever son secret médical ?

Le principe est le suivant :
  • La levée  du secret au seul motif qu’il serait susceptible d’être dévoilé à un professionnel lui-même astreint au secret n’est pas autorisé (Conseil d’Etat, 12 mars 1982, Conseil national de l’ordre des médecins, n°1413 ; Conseil d’Etat, 23 avril 1997, n° 169977; Conseil d’Etat,  7 octobre 2021, n° 433620 ; Cass. Crim., 16 mai 2000, n° 99-85.304 ). 
  • La circonstance qu’un document soit produit dans le cadre d’une instance judiciaire ne permet en principe pas de déroger au caractère absolu de la protection. 
  • Le juge administratif peut certes prendre en compte sans entacher sa décision d’irrégularité une pièce communiquée ou rendue publique en violation du secret médical (Conseil d’Etat, 2 octobre 2017, 399753 ) mais cela n’exonère en rien la personne qui a violé le secret de sa propre responsabilité. 

Il existe toutefois, une exception :

Pour les juridictions civiles et pénales :

Un professionnel de santé peut révéler des informations pour défendre un intérêt professionnel dès lors que cette divulgation est strictement nécessaire pour l’exercice des droits de la défense ou n’apparaît pas disproportionnée au but poursuivi (Cour de cassation, Crim., 20 décembre 1967, n° 66-92.779;  Cour de cassation, Crim., 11 mai 2004, n°03-80.254 ; Cour de cassation, Crim., 24 avril 2007, n° 06-88.051, Cour de cassation,  30 juin 2004, n° 02-41.720, Cour de cassation, 31 mars 2015, n° 13-24.410).

Pour le Conseil d’Etat :

La décision de référence est la suivante: Conseil d’Etat,  27  décembre 2021, n° 433620
 

=>  la circonstance que des documents soient produits dans le cadre d’une instance judiciaire, à l’égard de personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel, n’a pas, par elle-même, pour effet de soustraire la partie qui les divulgue au  respect du secret médical.

=> Toutefois,  un professionnel de santé peut déroger au secret médical lorsque les besoins de la défense du professionnel l’imposent strictement. Ainsi, le professionnel de santé ne s’expose pas à une sanction si la transmission d’informations couvertes par le secret médical « est, dans le cadre de l’instance en cause,  strictement nécessaire à la défense de ses droits par l’intéressé ».

🔷Solution retenue

La chambre disciplinaire nationale a retenu que les éléments produits par le médecin pour les besoins de sa défense, afin que sa mise en cause sur le plan disciplinaire soit appréciée à l’aune d’une maladie mentale dont souffrirait ce patient ne constituait pas un manquement à son obligation de respecter le secret médical découlant des dispositions de l’article R. 4127-4 du code de la santé publique.

En revanche, le Conseil d’État a considéré que la chambre disciplinaire nationale aurait dû rechercher si cette production de pièces couvertes par le secret médical était, dans le cadre de l’instance disciplinaire en cause, non pas seulement nécessaire, mais strictement nécessaire à la défense de ses droits par l’intéressé. Par voie de conséquence, le Conseil d’Etat a considéré que la chambre disciplinaire nationale avait commis une erreur de droit.

La décision est donc annulée et l’affaire renvoyée devant la chambre disciplinaire nationale.

Le rapporteur public sous cette décision considérait que la communication d’informations médicales selon lesquelles ce patient était atteint d’un trouble mental dit de fonctionnement limite sur un « mode anaclitique (situation de carence affective   maternelle)», est en « quête de perfection et de l’estime de l’autre»,  «d’un besoin d’un étayage constant » pour  « survivre » et de «  l’incapacité à être seul » et se trouve sous « traitement antipsychotique et anxiolytique», n’était pas strictement nécessaire à la défense de ses droits par le praticien.

Il relève que ces informations n’ont strictement aucun rapport avec les fautes reprochées au  médecin et leur communication tendait seulement à décrédibiliser l’auteur de la plainte en mettant sa démarche sur le compte de ses troubles psychiatriques. La circonstance que certains traitements antipsychotiques peuvent avoir des effets secondaires affectant les fonctions sexuelles était, selon le rapporteur public, totalement hors sujet dès lors que ce n’était pas ce dont se plaignait ce patient et encore moins ce qu’il reprochait au praticien.

Pour lire l’arrêt : Conseil d’État, 4ème chambre jugeant seule, 22 août 2023, 462636

Pour lire les conclusions du rapporteur public : Conclusions RAPU 

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Sur le même sujet :

Secret médical : partage d’informations entre professionnels de santé ne faisant pas partie de la même équipe de soins

Shanffou

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