
Le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution l’absence de protection fonctionnelle des agents publics entendu sous le régime de l’audition libre.
🔷 Dispositions contestées
L’article L. 134-4 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 24 novembre 2021, prévoit les cas dans lesquels un agent public mis en cause pénalement pour une faute non détachable du service peut bénéficier de la protection fonctionnelle:
« Lorsque l’agent public fait l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection.
L’agent public entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection.
La collectivité publique est également tenue de protéger l’agent public qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale« .
➡️ Les agents publics ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle quand ils sont entendus en audition libre.
🔷 Arguments du requérant
Le requérant soutenait que, en excluant du bénéfice de la protection fonctionnelle les agents publics qui sont entendus sous le régime de l’audition libre, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée et méconnaîtraient ainsi le principe d’égalité devant la loi.
🔷Décision du Constitutionnel : la protection fonctionnelle doit être accordée en audition libre
✅ Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».
Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
❌ Le Conseil Constitutionnel considère:
« Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 20 avril 2016 , qui est à l’origine des dispositions contestées par le requérant, que, en les adoptant, le législateur a entendu accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents publics mis en cause pénalement, y compris lorsqu’ils ne font pas l’objet de poursuites pénales, dans tous les cas où leur est reconnu le droit à l’assistance d’un avocat.
8. Or, l’article 61-1 du code de procédure pénale prévoit que la personne entendue librement a le droit d’être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation par un avocat si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. Dès lors, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées est sans rapport avec l’objet de la loi.
9. Par conséquent, ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la loi. Elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution ».
🔷 Conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité
Toutefois,:
➡️« l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de priver du bénéfice de la protection fonctionnelle les agents publics entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou qui se voient proposer une mesure de composition pénale. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions ».
➡️«En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, la collectivité publique est tenue d’accorder sa protection à l’agent public entendu sous le régime de l’audition libre à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions ».
💡La déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision ».
Lire la décision : Décision n° 2024-1098 QPC du 4 juillet 2024
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