procédure section des assurances sociales

Le Conseil d’Etat vient de préciser la procédure devant les sections des assurances sociales : audition, frais de déplacement, prescription des faits. Explications 👇

🔷Faits

Un masseur-kinésithérapeute exerçant à titre libéral a fait l’objet d’un contrôle effectué par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Gironde.

À la suite d’un contrôle portant sur la période du 1 juillet 2014 au 16 janvier 2017,  la CPAM a déposé plainte à son encontre devant la chambre disciplinaire de première  instance du conseil régional de l’ordre.

La chambre disciplinaire de première instance n’a pas statué dans le délai d’un an qui lui était imparti. La CPAM  a alors saisi la section des assurances sociales de son conseil national.

Par une décision du 17 février 2022, la section des assurances sociales a:

  • infligé à ce masseur-kinésithérapeute: la sanction de l’interdiction temporaire de dispenser des soins aux assurés sociaux pendant une durée de 18 mois, dont 6 mois assortis du sursis,
  • décidé que la partie ferme de cette sanction s’exécuterait du 1er août 2022 au 31 juillet 2023,
  • ordonné à la CPAM de lui transmettre, dans un délai de 2 mois les données nécessaires au calcul du reversement à mettre à la charge du professionnel poursuivi et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par une décision du 4 août 2022, la section des assurances sociales a ce masseur-kinésithérapeute à rembourser à la CPAM la somme de 175 267,56 euros.

Ce masseur-kinésithérapeute se pourvoit en cassation afin d’obtenir l’annulation de ces décisions. 

🔷Droit applicable

  • Dessaisissement de la chambre disciplinaire 

Article R. 145-19 du code de la sécurité sociale :

« Si la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre intéressé ou la section des assurances sociales du conseil régional ou central de la section D, G ou H de l’ordre des pharmaciens ne s’est pas prononcée dans un délai d’un an à compter de la réception de la plainte, la section des assurances sociales du conseil national compétent peut, à l’expiration de ce délai, être saisie par les requérants. La juridiction de première instance est alors dessaisie à la date d’enregistrement de la requête au conseil national.

Le délai d’un an prévu à l’alinéa précédent court à compter de la date de réception par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ou du conseil régional ou central de l’ordre des pharmaciens du dossier complet de la plainte ».

  • Prescription des faits  

Aux termes de l’article R. 145-22 du même code :

« Les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance de l’ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des masseurs-kinésithérapeutes, des infirmiers et des pédicures-podologues et les sections des assurances sociales des conseils régionaux ou centraux des sections D, G et H de l’ordre des pharmaciens sont saisies, dans les cas prévus aux articles L. 145-1L. 145-5-1R. 145-1 et R. 145-8, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, adressée au secrétariat de la section intéressée dans le délai de trois ans à compter de la date des faits. Les plaintes et les mémoires produits peuvent être aussi déposés au secrétariat de la section des assurances sociales compétente ».

  • Frais de déplacement (article 13 de la nomenclature générale des actes professionnels)

➡️ Les indemnités forfaitaires sont dues lorsque la résidence du malade et du professionnel sont situées dans la  même agglomération ou lorsque la distance qui les sépare est inférieure à 2 km en plaine et 1 km en montagne.

« Lorsqu’un acte inscrit à la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ou à la Classification commune des actes médicaux (CCAM) doit être effectué au domicile du malade, les frais de déplacement du professionnel de santé sont remboursés, en sus de la valeur de l’acte ; ce remboursement est, selon le cas, forfaitaire ou calculé en fonction de la distance parcourue et de la perte de temps subie par le professionnel de santé. / Lorsque la résidence du malade et le domicile professionnel du médecin généraliste ou spécialiste qualifié, du chirurgien-dentiste omnipraticien ou spécialiste qualifié, de la sage-femme ou de l’auxiliaire médical sont situés dans la même agglomération, ou lorsque la distance qui les sépare est inférieure à deux kilomètres en plaine ou à un kilomètre en montagne, l’indemnité de déplacement est forfaitaire. / (…) Le remboursement accordé par la caisse pour le déplacement d’un professionnel de santé ne peut excéder le montant de l’indemnité calculé par rapport au professionnel de santé de la même discipline, se trouvant dans la même situation à l’égard de la convention, dont le domicile professionnel est le plus proche de la résidence du malade ».

 

  • Auditions menées devant la section des assurances sociales

Aux termes de l’article R. 145-30 du code de la sécurité sociale :

« Le rapporteur a qualité pour entendre les parties, recueillir tous témoignages et procéder à toutes constatations utiles à la manifestation de la vérité. Il peut demander aux parties toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige.
Le rapporteur dresse un procès-verbal de chaque audition. Il est donné lecture à chaque partie ou chaque témoin de sa déposition. Le procès-verbal est signé par le rapporteur et la personne entendue ou mention est faite qu’il ne peut ou ne veut pas signer.
Les pièces recueillies par le rapporteur et les procès-verbaux d’audition sont versés au dossier et sont communiqués aux parties, qui sont invitées à présenter des observations dans les mêmes conditions que les mémoires.
Le rapporteur remet au président de la section son rapport, qui constitue un exposé objectif des faits, des pièces du dossier et des actes d’instruction accomplis ».

 

🔷 Solution retenue

  • Prescription des faits devant la section des assurances sociales

➡️ Il convient de prendre en compte la date de dépôt de la plainte devant la chambre disciplinaire de première instance. même en cas de dessaisissement au profit de masseurs-kinésithérapeutes:  

« Lorsque la procédure de dessaisissement organisée par les dispositions de l’article R. 145-19 du code de la sécurité sociale est mise en oeuvre, la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes se voit saisie de la plainte initialement formée auprès de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance. Le dessaisissement de celle-ci est, dès lors, sans effet, sur le calcul du délai de prescription de trois ans prévu par les dispositions de l’article R. 145-22, qui continue d’être déterminé par référence à la date de dépôt de la plainte devant la chambre disciplinaire de première instance ».

  • Frais de déplacement (article 13 de la nomenclature générale des actes professionnels)

 

La section des assurances sociales a relevé que d’autres masseurs-kinésithérapeutes avaient un domicile plus proche de celui des patients. S’ils étaient intervenus en lieu et place du masseur kinésithérapeute mis en causeils  n’auraient facturé que des indemnités forfaitaires. Le montant aurait donc était inférieur à celui facturé par le masseur kinésithérapeute mis en cause. 

✅ Les frais de déplacement peuvent être, dans certaines situations, remboursés à un professionnel de santé non de façon forfaitaire mais en fonction de la distance parcourue et de la perte de temps subie.

❌ Un tel remboursement ne peut excéder celui qui serait dû au professionnel de santé se trouvant dans la même situation à l’égard de la convention et disposant d’un domicile professionnel plus proche de la résidence du patient.

 

Quelle est la position de la Cour de cassation ?

➡️ La Cour de cassation a déjà jugé à plusieurs reprises que les frais de déplacement doivent être remboursés, lorsque les professionnels dont le domicile est plus proche de celui du patient n’ont pu assurer le soin litigieux après avoir été vainement contactés par l’assuré   (Civ. 2ème, 14 décembre 2000, n° 99-14.739 ; Civ. 2ème, 16 septembre 2003, n° 01-21.241).  La même solution a été retenue par la Cour de cassation dans les cas où ils n’intervenaient pas, en pratique, sur le territoire de la commune concernée ( Civ. 2ème, 1 juin 2011, n° 10-23.159). 

➡️ Le Conseil d’Etat rappelle que la charge de la preuve pèse sur le professionnel de santé :

« Il appartient au professionnel qui entend bénéficier de frais de déplacement supérieurs de justifier de ce qu’aucun des professionnels installés à une moindre distance de la résidence du patient n’était disponible pour prodiguer ses soins à la date de la prescription médicale et pour la durée de celle-ci. La section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, qui n’était pas saisie de tels justificatifs par M. A…, n’a, par suite, pas commis d’erreur de droit en jugeant que, dès lors qu’au moins un autre masseur-kinésithérapeute se trouvant dans la même situation à l’égard de la convention disposait d’un domicile professionnel plus proche de la résidence du patient, les frais de déplacement facturés par l’intéressé ne pouvaient excéder ceux dont aurait dû bénéficier ce professionnel ».

 

  • Auditions menées devant la section des assurances sociales
À la suite de la mesure d’instruction avant-dire droit, le rapporteur de la section des assurances sociales, membre de la formation de jugement, a auditionné deux représentants de la CPAM. Cette audition a été réalisée en présence de la présidente de la section des assurances sociales. Le but de cette audition était de  demander aux représentants de la CPAM des explications sur le contenu du dernier mémoire. Il a alors été demandé à la caisse de procéder à la vérification des montants en cause, avec les explications utiles sur leur mode de calcul.

Le masseur kinésithérapeute considérait que la présence de la présidente de la section des assurances sociales rendait la procédure irrégulière.

✅Le Conseil d’Etat indique que l’article R. 145-30, reconnaît au seul rapporteur la qualité:
« pour entendre les parties, recueillir tous témoignages et procéder à toutes   constatations utiles à la manifestation de la vérité » et, en particulier, « pour demander aux   parties toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ». 
➡️ Lparticipation d’autres membres de la formation de jugement n’est donc pas prévue 
❌ Pour autant,  le Conseil d’Etat considère que la procédure est irrégulière. Sur ce point, on relève qu’en droit commun, tout membre de la juridiction peut être commis pour procéder à des mesures  d’instruction (article R. 627-1 du CJA).  
  • Principe du contradictoire 
Le masseur kinésithérapeute considérait que la présence de la présidente de la section des assurances sociales lors de l’audition de la CPAM ne respectait pas le principe du contradictoire.

➡️ Aucune obligation de mener l’audition de la CPAM en présence du professionnel de santé poursuivi

➡️ L’article R. 145-30, qui ne prévoit pas que l’audition d’une partie se déroule en présence de son adversaire contrairement à ce qui  est le cas devant les juridictions administratives de droit commun. 
Le Conseil d’Etat indique :
« Ces dispositions n’imposent ni que les auditions se déroulent de façon contradictoire à l’égard des autres parties ni que le procès-verbal de l’audition rende compte de façon exhaustive des échanges ».

Pour lire l’arrêt : Conseil d’État,  10 juillet 2024,463243

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Shanffou

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