dentiste devis

Pour certains actes, les chirurgiens-dentistes ont l’obligation de faire signer des devis à leurs patients avant de commencer les soins.

La décision commentée est une décision du Conseil d’État du 12 juin 2024. Elle concerne une plainte portée par la caisse primaire d’assurance maladie de la Nièvre et le médecin-conseil, chef de service de l’échelon local du service médical de la Nièvre, contre une chirurgienne-dentiste. Cette affaire met en lumière l’importance pour les dentistes de faire signer des devis à leurs patients avant la réalisation de certains actes, ainsi que le rôle des sections des assurances sociales .

🔷 Faits

Une chirurgienne-dentiste, a été accusée par la caisse primaire d’assurance maladie de la Nièvre et le médecin-conseil de l’échelon local du service médical de la Nièvre de ne pas avoir respecté l’obligation de faire signer des devis à ses patients avant la réalisation d’actes prothétiques. Cette accusation découle d’un contrôle effectué sur des actes facturés entre le 5 mars 2018 et le 27 octobre 2020 pour son activité principale, et entre le 1er janvier 2019 et le 20 octobre 2020 pour son activité secondaire.

La section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de Bourgogne-Franche-Comté a infligé à cette chirurgienne-dentiste une interdiction de délivrer des soins aux assurés sociaux pendant six mois, dont trois mois assortis du sursis, et l’a condamnée à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie de la Nièvre la somme de 38 175,94 euros.

En appel, la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes a réduit la somme à rembourser à 18 670,22 euros et a modifié la période d’interdiction de délivrer des soins aux assurés sociaux.

🔷 Droit applicable

Obligation pour les Dentistes de Faire Signer les Devis

L’obligation pour les dentistes de faire signer des devis à leurs patients est régie par plusieurs dispositions législatives et réglementaires.

  • Article L. 1111-3 du Code de la santé publique : Cet article dispose que les professionnels de santé exerçant à titre libéral doivent informer leurs patients du coût des actes et des conditions de remboursement avant l’exécution des actes. En outre, il prévoit que pour certains actes, un devis préalable doit être établi.
  • Article L. 1111-3-2 du Code de la santé publique : Ce texte précise que l’information doit être délivrée par devis préalable lorsque le montant dépasse un certain seuil.
  • Article R. 4127-240 du Code de la santé publique : Ce texte prévoit, dans sa version applicable au litige, que lorsque le chirurgien-dentiste est conduit à proposer un traitement d’un coût élevé, il établit au préalable un devis écrit qu’il remet à son patient .
  • Conventions nationales : Les articles 4.2.1 de la convention nationale de 2006 et 26-4 de la convention de 2018 entre les chirurgiens-dentistes et les caisses d’assurance maladie aprouvées respectivement par un arrêté du 14 juin 2006 et par un arrêté du 20 août 2018, annexées à ceux-ci et entrées en vigueur respectivement le 19 juin 2006 et le 26 août 2018, prévoient :

« avant l’élaboration d’un traitement pouvant faire l’objet d’une entente directe sur les honoraires, le chirurgien-dentiste doit remettre à l’assuré un devis descriptif écrit, établi conformément à l’article L. 1111-3 modifié du code de la santé publique et comportant notamment : 1° la description précise et détaillée du traitement envisagé et/ou les matériaux utilisés / 2° le montant des honoraires correspondant au traitement proposé à l’assuré / 3° le montant de la base de remboursement correspondant calculé selon les cotations de la nomenclature générale des actes professionnels  » ce devis devant  » être daté et signé par le praticien et l’assuré ou son représentant ».

Rôle des Sections des Assurances Sociales

Les sections des assurances sociales sont des juridictions administratives spécialisées dans le jugement des fautes commises par les professionnels de santé dans le cadre des soins aux assurés sociaux.

L’article L. 145-1 du code de la sécurité sociale  prévoit que :

« Les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l’exercice de la profession, relevés à l’encontre des (…) chirurgiens-dentistes (…) à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux, sont soumis en première instance à une section de la chambre disciplinaire de première instance (…) des chirurgiens-dentistes (…) dite section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance et, en appel, à une section de la chambre disciplinaire nationale du conseil national de l’ordre (…) des chirurgiens-dentistes (…), dite (…) section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (…) ».

🔷 Solution retenue

Le Conseil d’État a jugé que la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes avait commis une erreur de droit en ne qualifiant pas les agissements de cette chirurgienne-dentiste de faute au sens des dispositions de l’article L. 145-1 du Code de la sécurité sociale.

En effet, les fautes qui lui étaient reprochées  avaient été commises à l’occasion de soins dispensés aux assurés sociaux et relevaient donc des fautes visées par cet article. Elle avait notamment omis  à seize reprises de faire signer à ses patients un devis préalablement à la réalisation d’actes prothétiques.

Le Conseil d’État a annulé la décision de la section des assurances sociales du 20 avril 2023 et a renvoyé l’affaire à cette même section pour un nouveau jugement conforme à ses conclusions.

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Cette décision souligne l’importance pour les dentistes de respecter scrupuleusement les obligations légales de transparence et de consentement éclairé de leurs patients, notamment en matière de devis. Elle rappelle également le rôle essentiel des sections des assurances sociales dans la régulation de la profession et la protection des assurés sociaux. Les dentistes doivent donc veiller à une parfaite conformité avec les dispositions du Code de la santé publique et du Code de la sécurité sociale pour éviter des sanctions disciplinaires et financières.

Pour lire l’arrêt : Conseil d’Etat, 12 juin 2024, n°475242

Shanffou

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