Suspension médecin exercice dangereux

La suspension d’un médecin pour exercice dangereux lié à son état de santé peut être prononcée par la formation restreinte du Conseil national de l’Ordre des médecins. Toutefois, la durée de suspension ne doit pas être excessive. Illustration avec cet arrêt récent du Conseil d’Etat (22 août 2023).

Faits

Un médecin généraliste a cessé son activité pendant plus de sept ans pour des raisons personnelles, tenant notamment à l’accompagnement de son père en fin de vie. Ce médecin a souhaité se réinstaller en décembre 2021.

Au regard de la longue interruption qui a précédé sa demande, les instances ordinales ont organisé des entretiens en vue d’évaluer ses connaissances et sa pratique et procéder le cas échéant à une mise à niveau.

Dans le même temps, ce médecin soignait seul à domicile son père en fin de vie. Son père est décédé en août 2022.

Ce médecin a très rapidement contesté  la nécessité d’évaluer ses connaissances. Elle est d’ailleurs entrée en conflit avec l’un des médecins auprès duquel elle effectuait un stage d’observation.

En effet, il semble qu’à partir du mois d’avril 2022, elle a commencé à adresser des messages déplacés à ce médecin.

C’est dans ces circonstances que le conseil départemental de l’ordre des médecins du Haut-Rhin, estimant que ces  messages dénotaient une certaine confusion mentale a demandé au conseil régional de l’ordre qu’il soit fait application des dispositions de l’article R. 4124-3 du code de la santé publique régissant la procédure de suspension temporaire du droit d’exercer la profession de médecin dans le cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession.

Le conseil régional ne s’est pas prononcé dans le délai de deux mois qui lui était imparti en application de l’article R. 4124-3 du code de la santé publique. La demande a, dès lors, été transmise à la formation restreinte du CNOM qui a décidé de procéder à la suspension de ce médecin  de son droit d’exercer la médecine pour une durée de trois ans et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d’une nouvelle expertise.

Ce médecin demande l’annulation de cette décision.
Droit applicable
  • Sur l’organisation d’une médiation

Article L. 114-1 du code de justice administrative :

« Lorsque le Conseil d’Etat est saisi d’un litige en premier et dernier ressort, il peut, après avoir obtenu l’accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci (…)  ».

=> Il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation

  • Sur les situations d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession de médecin

Article R. 4124-3 du code de la santé publique :

« I. – Dans le cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d’exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s’il y a lieu, être renouvelée. Le conseil est saisi à cet effet soit par le directeur général de l’agence régionale de santé soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. (…) / II. – La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l’intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. (…) / VI. – Si le conseil régional ou interrégional n’a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l’affaire est portée devant le Conseil national de l’ordre ».

Solution retenue

En ce qui concerne la médiation, le Conseil d’Etat a considéré que dans les circonstances de cette affaire, il n’y avait pas lieu de proposer une médiation aux parties.

En ce qui concerne la suspension du médecin en raison de son état pathologique, le Conseil d’Etat a considéré que cette suspension devait être annulée en raison de la durée de la suspension.

En effet, le Conseil d’Etat a relevé qu’au regard des constats faits par le rapport d’expertise quant à son état de santé, lequel avait notamment relevé « un fonctionnement psychique ancien et fixé, marqué par la fausseté du jugement et les idées de référence sensitives et persécutives », la formation restreinte du Conseil national de l’ordre des médecins avait eu raison de considérer que son état de santé rendait, à la date à laquelle il s’était prononcé, dangereux l’exercice de sa profession. Par voie de conséquence, une mesure de suspension de son droit d’exercer la médecine devait être prise.

En revanche, le Conseil d’Etat a estimé qu’en fixant à trois ans la durée de cette suspension, alors qu’en dépit des termes de l’expertise, les pièces du dossier ne permettaient pas d’exclure que la pathologie de ce médecin, qui n’était alors pas prise en charge, soit à une plus proche échéance, traitée et, le cas échéant, stabilisée, la formation restreinte du Conseil national de l’ordre des médecins avait méconnu ces mêmes dispositions.

En somme, la durée de  suspension retenue, trois ans, est excessive.

A noter que le rapporteur public rappelait dans ses conclusions que si l’ordre est dans son rôle en étant très vigilant sur l’état pathologique de certains praticiens, de nature à rendre dangereux l’exercice de la médecine, les affections psychiatriques touchant les professionnels de santé ne peuvent en tant que telles constituer ipso facto des causes de bannissement de longue durée de l’activité médicale:

  •  La mesure de suspension doit être justifiée non pas par l’existence d’une pathologie psychiatrique en tant que telle, mais par ses effets rendant dangereux l’exercice de la profession.
  • Sa durée doit rester proportionnée à une évaluation réaliste de la durée nécessaire pour que le praticien ait une chance raisonnable de retrouver un état compatible avec l’exercice médical. La reprise des fonctions étant en tout état de cause subordonnée à une nouvelle expertise.

Pour lire l’arrêt : Conseil d’État, 4ème chambre jugeant seule, 22 août 2023, 470285

Pour lire les conclusions du rapporteur public : Conclusions du RAPU

Shanffou

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