Les juges annulent les sanctions disciplinaires disproportionnées.
Nouvelle illustration avec un jugement du tribunal administratif de Marseille qui annule la décision d’exclusion temporaire de deux ans prise à l’encontre d’un fonctionnaire par l’AP-HM, considérant que la sanction était disproportionnée par rapport aux faits reprochés.
Les juges ont souligné que la réintégration de ce fonctionnaire était nécessaire, mais qu’aucune rémunération n’était due pour la période d’exclusion.
De plus, l’AP-HM a été condamnée à verser 1 500 euros au titre des frais de justice, conformément à l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Explications.
🔷 Faits
Un fonctionnaire hospitalier, titulaire du grade d’agent de service hospitalier qualifié (ASHQ) exerce ses fonctions au sein de l’unité psychiatrique Chabannes 2 depuis septembre 2019 au sein de l’hôpital de la Conception relevant de l’assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM).
À l’issue de la consultation du conseil de discipline, le directeur de l’AP-HM a prononcé, à titre disciplinaire, une exclusion temporaire des fonctions d’une durée de deux ans à son encontre
La question qui se posait était la suivante : la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux ans prononcée à l’encontre de ce fonctionnaire est-elle justifiée et proportionnée aux faits reprochés ?
🔷Droit applicable
Aux termes des dispositions de l’article 81 de la loi du 9 janvier 1986 repris à l’article 533-1 du code général de la fonction publique:
« Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : () Troisième groupe : () l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (). ».
➡️ Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
🔷Solution retenue : annulation de la sanction disciplinaire disproportionnée
Pour prononcer la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux ans à l’encontre du requérant, le directeur de l’AP-HM s’est fondé dans la décision en litige sur les motifs suivants:
- Le fonctionnaire ne satisfaisait pas à son obligation de servir ;
- Il n’exécutait pas les tâches confiées;
- Il faisait preuve d’une efficience minimum en refusant de se soumettre à l’obligation d’obéissance hiérarchique en méconnaissance du respect des règles institutionnelles.
La décision prononçant la sanction vise, par ailleurs, plusieurs courriers, rapports et courriels s’échelonnant du 28 septembre 2020 au 29 mars 2021, relatant le comportement inadapté de ce fonctionnaire à l’égard de ces collègues et son refus d’effectuer certaines tâches.
Pour établir que la sanction disciplinaire est disproportionnée, le tribunal administratif a pris en compte :
- Nature des faits ainsi reprochés ;
- Gravité des faits reprochés ;
- La circonstance que ce fonctionnaire, depuis son recrutement par l’AP-HM, n’avait fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire ;
- Sa manière de servir antérieure notamment au regard des évaluations produites aux débats.
➡️Le directeur de l’AP-HM a prononcé une sanction disproportionnée en infligeant à ce fonctionnaire la sanction d’exclusion temporaire des fonctions d’une durée de deux ans, soit la durée maximale. Ceci même si le conseil de discipline réuni le 2 juillet 2021 s’était prononcé, quant à lui, en faveur d’une sanction du troisième groupe d’exclusions temporaire des fonctions pouvant aller de 16 jours à deux ans.
Le tribunal administratif annule la décision d’exclusion temporaire des fonctions de deux ans prononcée à l’encontre de ce fonctionnaire la jugeant disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Il a enjoint à l’AP-HM de le réintégrer et de reconstituer sa carrière, sans lui accorder de rémunération pour la période d’exclusion.
💡Cet arrêt confirme le contrôle normal du juge de l’excès de pouvoir sur les sanctions disciplinaires et souligne l’importance de la proportionnalité de la sanction par rapport aux faits reprochés. Il rappelle également l’obligation pour l’administration de réintégrer un agent illégalement exclu et de reconstituer sa carrière en cas d’annulation de la sanction.
Pour lire le jugement:
Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 10 octobre 2023, 2108014
Voir également :
Pour le contrôle exercé par le juge: Arrêt Dahan, CE, 13 novembre 2013, n° 347704
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