Dans un arrêt du 3 novembre 2023, le Conseil d’État a annulé la décision de la Cour administrative d’appel, soulignant que la radiation des effectifs pour abandon de poste ne peut être prononcée que si l’agent a été préalablement mis en demeure de reprendre son service dans un délai fixé par l’administration. Dans ce cas précis, le refus de l’agent de signer un nouveau contrat ou d’accepter un changement d’affectation ne justifiait pas une radiation des effectifs, mais éventuellement une procédure de licenciement. Ainsi, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en ne vérifiant pas si le changement d’affectation constituait une modification substantielle du contrat en cours.
🔷Faits
En l’espèce, un agent a été recruté par la commune de Dzaoudzi-Labattoir en qualité de rédacteur territorial. Suite à un refus de changement d’affectation, il a été radié des effectifs pour abandon de poste.
Plus précisément, cet agent avait été recruté par un contrat à durée déterminée à compter du 1er octobre 1993, puis à compter du 1er janvier 2011 par un contrat à durée indéterminée, au grade de rédacteur territorial, en qualité de directeur des services de la jeunesse et des sports.
À compter du 17 novembre 2014, il a été affecté au service aménagement, urbanisme et foncier en qualité d’instructeur des permis de construire.
Le 24 janvier 2017, la commune lui a proposé de le recruter à compter du 1er février 2017 par un nouveau contrat à durée indéterminée, au grade d’éducateur territorial des activités physiques et sportives, en qualité d’animateur éducateur sportif.
L’agent a refusé de rejoindre cette dernière affectation malgré trois mises en demeure qui lui ont été adressées les 7 et 20 février et le 3 mars 2017. Les deux dernières mises en demeure l’informaient que, faute pour lui d’y déférer et en l’absence de tout justificatif, une procédure pour abandon de poste entraînant sa radiation des effectifs serait engagée à son encontre sans procédure disciplinaire préalable.
C’est dans ce cadre que par un arrêté du 10 avril 2017, le maire a prononcé sa radiation des effectifs pour abandon de son poste d’animateur éducateur sportif.
Il saisit alors le tribunal administratif de Mayotte. Il gagne devant le tribunal administratif qui annule l’arrêté de radiation pour abandon de poste et enjoint à la commune de le réintégrer.
La commune fait appel de cette décision devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui annule le jugement du tribunal administratif.
L’agent se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.
La question qui se posait était la suivante : la Cour administrative d’appel a-t-elle commis une erreur de droit en considérant que le refus de cet agent de rejoindre son nouveau poste justifiait sa radiation des effectifs pour abandon de poste ?
🔷 L’abandon de poste dans la fonction publique
Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié, qu’il appartient à l’administration de fixer.
Une telle mise en demeure doit prendre la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé, l’informant du risque qu’il encourt d’une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l’agent ne s’est pas présenté et n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical, présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu’il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé.
Tel ne saurait cependant être le cas lorsqu’un agent contractuel, dont la situation est régie par les stipulations de son contrat:
- Refuse, avant l’expiration de ce contrat, de signer un nouveau contrat prévoyant une autre affectation ou d’accepter un changement d’affectation s’apparentant à la modification d’un élément substantiel de son contrat en cours, et,
- ne rejoint pas cette nouvelle affectation. Une telle circonstance autorisant le cas échéant l’engagement à son encontre d’une procédure de licenciement, dans les conditions prévues par les articles 39-3 et 39-4 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, mais non l’engagement d’une procédure de radiation des effectifs pour abandon de poste.
🔷 Refus d’un changement d’affectation et abandon de poste dans la fonction publique
🧿 La Cour administrative d’appel a jugé à tort qu’il y avait abandon de poste
La Cour administrative d’appel avait jugé que le maire était fondé à considérer que l’agent avait rompu le lien qui l’unissait au service en refusant de rejoindre son poste d’animateur éducateur sportif en dépit des mises en demeure qui lui avaient été adressées. Pour la Cour administrative d’appel, le maire pouvait considérer que ce comportement était constitutif d’un abandon de poste justifiant la radiation des effectifs.
🧿 Le Conseil d’Etat précise les conditions de radiation pour abandon de poste dans la fonction publique
Le Conseil d’Etat considère que la Cour administrative d’appel aurait dû rechercher si cet agent avait signé le nouveau contrat par lequel la commune proposait de le recruter en qualité d’animateur éducateur sportif. À défaut de nouveau contrat, la Cour administrative d’appel aurait dû rechercher si ce changement d’affectation constituait une modification d’un élément substantiel du contrat en cours, justifiant qu’il refuse de rejoindre cette nouvelle affectation.
Pour lire l’arrêt : Conseil d’État, Chambres réunies, 3 novembre 2023, 461537
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