révocation fonctionnaire réseau social

La révocation d’un fonctionnaire peut être fondée sur des propos tenus sur le fil de discussion d’un réseau social.

🔷Faits

Un policier a été titularisé dans le corps d’encadrement et d’application de la police nationale en tant que gardien de la paix en 2003, puis promu, en 2010, au grade de brigadier. En 2011, il a accédé au grade de brigadier-chef en 2011.

Ce policier a été affecté à la circonscription de sécurité publique (CSP) de Nancy à compter du 1er janvier 2015 et a rejoint la brigade anti-criminalité (BAC) de nuit de cette circonscription à partir du mois de septembre 2015 jusqu’au 30 juin 2019.

De janvier à juin 2017, il a assuré l’intérim du poste de chef de cette brigade.

A la suite d’un rapport du commissaire de police, en date du 27 juin 2018, l’inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie de faits relatifs au comportement de certains agents de la BAC de nuit. Ce policier était mentionné dans ce rapport.

Les conclusions de l’enquête administrative diligentée par l’IGPN ont conduit l’administration à engager une procédure disciplinaire à l’encontre de ce policier. Le 11 octobre 2021, il a comparu devant la commission administrative paritaire interdépartementale Grand Est. Cette commission est compétente à l’égard des fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale, siégeant en formation disciplinaire. La commission a émis un avis favorable à une sanction de révocation.

Par un arrêté du 7 mars 2022, le ministre de l’Intérieur l’a révoqué de ses fonctions.

Ce policier a donc saisi le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de cette décision.

Ce jugement est particulièrement intéressant en ce qui concerne la question de la loyauté de la preuve. En effet, la révocation est fondée sur des propos issus d’un groupe de discussion privé d’un réseau social.

 

🔷Droit applicable

🧿  Sur le principe de loyauté de la preuve

« en l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un agent public, d’en apprécier la légalité au regard des seules pièces ou documents que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

Il résulte de ce qui précède que si des pièces et documents doivent en principe être écartés des débats dès lors qu’ils ont été obtenus en méconnaissance de l’obligation de loyauté à laquelle l’employeur public est tenu vis-à-vis de ces agents, une telle méconnaissance n’a pas pour effet, en tant que telle, de vicier l’ensemble de la procédure ».

Voir en ce sens :

Conseil d’État, 10ème chambre, 3 mars 2023, 466932,

Conseil d’État, 3ème chambre, 3 juillet 2020, 432756,

🧿 Sur le prononcé d’une sanction

« Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire sont établis au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier et, dans l’affirmative, s’ils présentent un caractère fautif de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ».

Voir par exemple : Conseil d’État, 4ème chambre, 9 septembre 2020, 422493,

🧿 Sur la portée d’un jugement correctionnel devant le juge administratif 

« Par ailleurs, en principe, l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’impose à l’administration comme au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d’un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité ».

Voir par exemple: Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 2 avril 2021, 434919

🔷Solution retenue

➡️ En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que les propos tenus dans un groupe de discussion issu d’un réseau social ont été portés spontanément et délibérément à la connaissance de l’administration par l’un des membres de ce groupe, lui-même agent de la BAC de nuit. La circonstance que cet agent n’ait pas recueilli le consentement des autres membres du groupe, également en fonction au sein de la BAC de nuit, est sans incidence sur l’obligation de loyauté qui pèse sur l’administration. Dès lors, l’administration pouvait, sans méconnaître une telle obligation, se fonder sur ces faits ainsi révélés, lesquels présentent d’ailleurs un degré de gravité particulier.

D’autres exemples concernant des sanctions fondées sur des propos tenus sur les réseaux sociaux :

  • Propos tenus sur Facebook à plusieurs reprises, notamment sur le compte de la commune et sur un groupe dédié aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) comportant plus de dix mille membres, un ton et des propos inappropriés pour critiquer la politique la municipalité et, plus directement le maire de la commune. Ces publications excèdent la liberté de parole dont dispose chaque agent. L’agent concerné a méconnu son obligation de neutralité et son devoir de réserve et de discrétion professionnelle. Tribunal administratif de Rouen, 4 ème chambre, 16 mars 2023, n° 2201588
  • Propos injurieux et discourtois tenus à à l’endroit d’une supérieure hiérarchique sur groupe de discussion du réseau « WhatsApp » que le policier sanctionné administrait et auquel participaient tous les policiers de sa brigade : CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19 décembre 2023, 23MA00974,
  • Révocation d’un policier pour des propos tenus par un policier dans le fil d’une discussion sur un réseau social, au sein d’un groupe composé notamment de plusieurs collègues de son unité : CAA de DOUAI, 3ème chambre, 23 mars 2023, 21DA02968

Le tribunal a également relevé la situation de harcèlement moral subi par un autre policier, occasionné par les agissements répétés et les propos dénigrants à connotation raciste qu’il a tenus dans le fil de discussion de ce réseau social.

➡️ Les propos tenus par ce fonctionnaire sur le réseau social constituent des manquements graves et caractérisés aux obligations mentionnées au point 10, notamment aux obligations de loyauté, de réserve, d’exemplarité et de dignité auxquelles sont astreints les fonctionnaires de police.

Enfin, la circonstance que les commentaires ont été tenus dans un groupe de discussion qui n’était ouvert qu’à ses membres est sans incidence. En effet, le comportement d’un agent public, y compris dans sa vie privée, peut avoir pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l’administration. Le tribunal a jugé que cela était le cas en l’espèce.

➡️La requête du policier est rejetée et la révocation est confirmée.

Pour lire le jugement : Tribunal administratif de Nancy, Chambre 3, 28 décembre 2023, n° 2200955

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Sur le même sujet :

Fonctionnaire : obtenir l’annulation d’une sanction disciplinaire disproportionnée

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