preuve indu CPAM

La question de la charge de la preuve se pose régulièrement en matière d’indu notifié par la CPAM. Qui doit apporter la preuve de l’indu notifié par la CPAM ?

Un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris concernant un pharmacien permet de rappeler les règles en la matière (Cour d’appel de Paris, Chambre 6-13, 9 juin 2023, 18/13983).

La Cour d’appel de Paris confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale (aujourd’hui pôle social du tribunal judiciaire) et condamne le pharmacien à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Hauts-de-Seine la somme de 4 492,82 euros, correspondant à des indus constatés dans les facturations remboursées.

➡️ Dans cet arrêt, la Cour d’appel rappelle la manière dont la preuve de l’indu doit être rapportée par la CPAM.

🔷 Faits

Un pharmacien titulaire a fait l’objet d’une analyse des facturations remboursées entre le 1er janvier 2012 et le 30 septembre 2013 par les Caisses Primaires d’Assurances Maladie de l’Ile de France (CPAM).

Le directeur général de l’Assurance Maladie lui a notifié un indu de 34 374,69 euros se répartissant sur plusieurs caisses, dont 5 590,62 euros concernaient la CPAM des Hauts-de-Seine.

Ce pharmacien a contesté le bienfondé des indus et a saisi les commissions de recours amiable de chaque caisse.

La Commission de Recours Amiable a confirmé partiellement le bien fondé de la créance de la CPAM des Hauts-de-Seine qu’elle a ramené à 4 492,82 euros sur la base de plusieurs anomalies. Ce pharmacien conteste l’indu devant le Tribunal.

🔷 Droit applicable

🧿Engagement de la procédure par la CPAM

Article L133-4 du code de la sécurité sociale:

« En cas d’inobservation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et des frais de transports mentionnés à l’article L. 321-1 du même code, l’organisme de prise en charge recouvre l’ indu correspondant auprès du professionnel de santé ou de l’établissement à l’origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l’assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement ».

Il résulte de ces dispositions que l’organisme de prise en charge est fondé, en cas de non respect des règles de tarification et de facturation des médicaments et spécialités pharmaceutiques, à engager le recouvrement de l’indu correspondant auprès du pharmacien titulaire de l’officine qui a délivré ces derniers. Ceci quelle que soit la forme juridique de l’exploitation de l’officine.

🧿Preuve de l’indu notifié par la CPAM

L’organisme d’assurance-maladie doit rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation puis au professionnel de discuter des éléments de preuve produits par l’organisme, à charge pour lui d’apporter la preuve contraire (2ème Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.506).

Ainsi, la production par la Caisse de tableaux établis par elle, annexés à la notification de payer, qui reprennent, notamment, les numéros des bénéficiaires, les dates de prescription, les noms des assurés, les dates de mandatement, les numéros et noms du pharmacien, les produits délivrés, les bases de remboursement et les montants remboursés et des dossiers contestés incluant les prescriptions constitue une preuve suffisante de l’indu.

Il appartient alors au pharmacien de démontrer, pour chaque anomalie dénoncée, la régularité de la délivrance, le moyen tiré des règles de télétransmission et de conservation des ordonnances étant inopérant puisque tendant à renverser la charge de la preuve qui lui incombe.

On peut donc considérer qu’en premier lieu la preuve de l’indu pèse sur la CPAM.

🧿 Sur les indus notifiés par la CPAM

Facturation en une seule fois d’une quantité de produit supérieure à un mois

L’article R. 160-20-5 du code de la sécurité sociale dispose que :

« Ainsi qu’il est dit à l’article R. 5123-2 du code de la santé publique :

« Art. R. 5123-2.-L’ordonnance comportant la prescription d’un médicament pour une durée de traitement supérieure à un mois indique, pour permettre la prise en charge de ce médicament, soit le nombre de renouvellements de l’exécution de la prescription par périodes maximales d’un mois ou de trois mois pour les médicaments présentés sous un conditionnement correspondant à une durée de traitement supérieure à un mois, soit la durée totale de traitement, dans la limite de douze mois. Pour les médicaments contraceptifs, le renouvellement de l’exécution de la prescription peut se faire par périodes maximales de trois mois, quel que soit leur conditionnement. Pour en permettre la prise en charge, le pharmacien ne peut délivrer en une seule fois une quantité de médicaments correspondant à une durée de traitement supérieure à quatre semaines ou à trente jours selon le conditionnement. Toutefois, les médicaments présentés sous un conditionnement correspondant à une durée de traitement supérieure à un mois peuvent être délivrés pour cette durée dans la limite de trois mois. En outre, quel que soit leur conditionnement, les médicaments contraceptifs peuvent être délivrés pour une durée de douze semaines.  » ».

L’article R 5132-12 du code de la santé publique dispose que :

« Il ne peut être délivré en une seule fois une quantité de médicaments correspondant à une durée de traitement supérieure à quatre semaines ou à un mois de trente jours selon le conditionnement. Toutefois, les médicaments présentés sous un conditionnement correspondant à une durée de traitement supérieure à un mois peuvent être délivrés pour cette durée dans la limite de trois mois. En outre, quel que soit leur conditionnement, les médicaments contraceptifs peuvent être délivrés pour une durée de douze semaines ».

➡️ Ce texte réglementaire, régissant la profession de pharmacien, est d’ordre public. Par voie de conséquence, le pharmacien ne peut délivrer de médicament que dans les conditions prévues par ce texte et pour les durées qu’il édicte.

Renouvellements anticipés de délivrances

L’article R.5132-14 du code de la santé publique énonce que :

« Le renouvellement de la délivrance d’un médicament ou d’une préparation relevant de la présente section ne peut avoir lieu qu’après un délai déterminé résultant de la posologie et des quantités précédemment délivrées. Le renouvellement fait l’objet d’un nouvel enregistrement. Lorsque le renouvellement est effectué par le même dispensateur, l’enregistrement peut consister en la seule indication du numéro afférent à la délivrance précédente. Sont ajoutées sur l’ordonnance les mêmes indications que celles énumérées à l’article R. 5132-13 ».

➡️ La délivrance de médicaments renouvelable ne peut se faire qu’en respectant le délai résultant de la posologie et des quantités précédemment délivrées.

L’article R 5132-22 précise en son dernier alinéa que :

« Les dispensateurs sont tenus d’exécuter les renouvellements selon les modalités définies à l’article R. 5132-14, sous réserve des dispositions de l’article R. 5121-95 ».

L’article 9 de la Convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’Assurance Maladie, applicable à compter du 25 juillet 2006, stipule que :

« Les parties signataires considèrent que l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale effectuée par le pharmacien au cours de l’acte de dispensation est un facteur essentiel contribuant à la qualité de cet acte.
Elle le conduit plus particulièrement à :
– opérer un suivi de l’utilisation des produits de santé pour chaque assuré qui recourt régulièrement à ses services, notamment en veillant à ce que les quantités délivrées à l’occasion de dispensations successives par son officine soient en adéquation avec le ou les traitements prescrits ».

Dès lors, en ne respectant pas les délais de renouvellement liés à l’ordonnance, un pharmacien ne respecte pas la prescription et agit hors habilitation. En conséquence, la délivrance du médicament n’était pas licite et le droit à remboursement n’était pas acquis.

Non-respect de la législation sur les hypnotiques et anxiolytiques

L’article R. 5132-21 du code de la santé publique dispose que : « Une prescription de médicaments relevant des listes I et II ne peut être faite pour une durée de traitement supérieure à douze mois. Toutefois, pour des motifs de santé publique, pour certains médicaments, substances psychotropes ou susceptibles d’être utilisées pour leur effet psychoactif, cette durée peut être réduite par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé après avis des conseils nationaux de l’ordre des médecins et de l’ordre des pharmaciens ».

L’arrêté du 7 octobre 1991 précise la durée de prescription. Ainsi, l’article 1 limite à quatre semaines la durée de prescription des médicaments contenant les substances à propriétés hypnotiques, ainsi que leurs sels lorsqu’ils peuvent exister et l’article 1 bis, limite à deux semaines la prescription des médicaments contenant des substances à propriétés hypnotiques, ainsi que leurs sels.

L’article 2 énonce enfin que :

« Ne peuvent être prescrits pour une durée supérieure à douze semaines les médicaments contenant les substances à propriétés anxiolytiques, ainsi que leurs sels lorsqu’ils peuvent exister, inscrites sur la liste I des substances vénéneuses à des doses et à des concentrations non exonérées figurant à la deuxième partie de l’annexe du présent arrêté ».

🔷 Solution retenue

 🧿Sur la preuve de l’indu 

La Cour d’appel relève que la caisse produit un tableau récapitulatif mentionnant : la caisse créancière, le régime d’assurance maladie, le numéro de facture, le numéro du prescripteur, la date de délivrance des produits, le code nature des prestations, le code CIP ou LPP, le libellé du médicament délivré, la quantité délivrée, le prix unitaire, le montant du remboursement, le taux du remboursement, la date de mandatement, l’anomalie commentée et le montant du préjudice.

A ce tableau était jointe une liste reprenant la nature de l’anomalie et les références textuelles du code de la santé publique ou du code de la sécurité sociale, ainsi que les références des arrêtés éventuellement applicables outre une table de correspondance entre les numéros de dossiers et les patients avec leur matricule de sécurité sociale, la date de naissance et le code de caisse de rattachement.

➡️Ces éléments suffisent à caractériser le manquement reproché. Il appartient donc au pharmacien de démontrer, pour chaque anomalie dénoncée, la régularité de la délivrance, le moyen tiré des règles de télétransmission et de conservation des ordonnances étant inopérant puisque tendant à renverser la charge de la preuve qui lui incombe.

 🧿 Sur les indus

Facturation en une seule fois d’une quantité de produit supérieure à un mois

La cour d’appel considère que si le pharmacien indique qu’il s’agit d’un recyclage de facture, il ne dépose pas de pièces relatives à la première présentation et à un éventuel rejet, alors que les numéros de factures très proches ne permettent pas de conclure qu’elles ont été établies à un mois d’intervalle, de telle sorte que son argumentation sera rejetée.

Renouvellements anticipés de délivrances

La caisse dépose les décomptes images et la facture du 28 mars 2013 pour un traitement prescrit le jour même, démontrant ainsi que la délivrance a suivi une délivrance antérieure du 11 mars 2013, la prescription étant valable pour un mois.

Le pharmacien ne dépose aucune pièce pour contester cet argument. L’indu sera donc confirmé.

Non-respect de la législation sur les hypnotiques et anxiolytiques

La prescription du 2 avril 2013 porte sur de l’Imovane établie pour trois mois. Même si le médecin a demandé le renouvellement, dès lors que le médicament en cause est classé comme hypnotique, le pharmacien dans sa mission de professionnel de santé attaché au respect des dispositions impératives du code de la santé publique, aurait dû refuser de renouveler la délivrance sans nouvelle ordonnance. Or, la caisse démontre plusieurs facturations sur la même ordonnance. Le remboursement n’était pas dû.

➡️ La Cour d’appel confirme le jugement de première instance.


Pour lire l’arrêt:  Cour d’appel de Paris, Chambre 6-13, 9 juin 2023, 18/13983

Sur le même sujet : Infirmiers et médecins : contester une notification d’indu envoyée par la CPAM – 

Shanffou

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