Aucune sanction ne peut être prononcé à l’encontre d’un fonctionnaire pour le seul fait qu’il ait dénoncé un harcèlement moral. Attention toutefois à la manière dont la dénonciation est réalisée.
Les faits :
Mme C., adjointe administrative de deuxième classe au sein des services de la commune de Pont-du-Château, a adressé, le 24 novembre 2015, un courrier électronique à des élus de la commune afin de dénoncer des faits de harcèlement moral dont elle s’estimait victime. Par un arrêté du 17 décembre 2015, le maire de Pont-du-Château lui a infligé un blâme au motif que ce courriel constituait un manquement à son devoir de réserve.
Par ailleurs, par un arrêté du 22 février 2016, le maire de la commune a nommé Mme C au 7ème échelon du grade d’adjoint administratif de deuxième classe à l’ancienneté maximum.
Par un jugement du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a notamment annulé ces deux arrêtés.
Mme C se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 25 juin 2019 de la cour administrative d’appel de Lyon en tant qu’il a annulé, sur l’appel de la commune de Pont-du-Château, ce jugement en ce qu’il prononce l’annulation des arrêtés des 17 décembre 2015 et 22 février 2016 et qu’il a rejeté ses conclusions de première instance tendant à l’annulation de ces mêmes arrêtés.
Le droit :
Aux termes de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :
» Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.(…) / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu’il ait exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu’il ait témoigné de tels agissements ou qu’il les ait relatés « .
Aux termes de l’article 29 de la même loi :
» Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale « .
Ce que dit l’arrêt du Conseil d’Etat :
« les fonctionnaires ne peuvent être sanctionnés lorsqu’ils sont amenés à dénoncer des faits de harcèlement moral dont ils sont victimes ou témoins. Toutefois, l’exercice du droit à dénonciation de ces faits doit être concilié avec le respect de leurs obligations déontologiques, notamment de l’obligation de réserve à laquelle ils sont tenus et qui leur impose de faire preuve de mesure dans leur expression. Lorsque le juge est saisi d’une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de cette dénonciation, il lui appartient, pour apprécier l’existence d’un manquement à l’obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l’administration dont le fonctionnaire s’estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu’il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation.
4. Par suite, en jugeant que Mme C… avait manqué à son obligation de réserve en dénonçant, par un courriel formulé en des termes excessifs et adressé à un large cercle d’élus de la commune de Pont-du-Château, le harcèlement moral dont elle s’estimait victime, sans prendre en compte les agissements que Mme C… estimait avoir subi, la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit ».
Ce qu’il faut retenir : si un fonctionnaire ne peut pas être sanctionné pour avoir dénoncé un harcèlement moral, il peut l’être s’il n’a pas respecté son devoir de réserve dans sa manière de dénoncer ces faits.
Pour lire l’arrêt : Conseil d’Etat, 29 décembre 2021, n° 433838