Affectation d'office d'un agent et harcèlement moral

Le recours contre l’affectation d’office d’un agent public peut-il être recevable lorsqu’il s’inscrit dans un contexte de harcèlement moral ?

🔷Faits 

Une fonctionnaire, attachée principale d’administration de l’Etat, qui exerçait ses fonctions au sein de la préfecture a fait l’objet d’un changement d’affectation. Elle a ainsi été affectée d’office au secrétariat général de la Préfecture par une décision du Préfet. Elle a alors demandé au tribunal administratif d’annuler cette décision. Le tribunal administratif a rejeté sa demande tout comme la Cour administrative d’appel de Lyon.

C’est dans ce cadre que la fonctionnaire saisit le Conseil d’Etat. Elle considère notamment que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la décision d’affectation attaquée constituait une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours, alors que cette décision était intervenue dans un contexte de harcèlement moral. Elle avait d’ailleurs déjà obtenu la reconnaissance des faits de harcèlement moral par un jugement du  tribunal administratif de Bastia. Elle avait réussi à obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

🔷Droit :

Mesure d’ordre intérieur

Les mesures d’ordre intérieur sont des mesures prises à l’égard d’agents publics qui compte tenu de leur effet ne peuvent être regardées comme leur faisant grief. De telles mesures sont insusceptibles de recours.

Cela concerne les mesures qui, tout en modifiant l’affectation des agents ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l’exercice de leurs libertés et droits fondamentaux, ni n’emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable. (Conseil d’Etat. 25 septembre 2015, Mme X, n° 372624 ; Conseil d’Etat, 7 décembre 2018, Région Hauts-de-France, n° 401812).

Harcèlement moral

L’interdiction de recourir au harcèlement moral est désormais prévue à l’article L. 133-2 du code général de la fonction publique :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le Conseil d’Etat a précisé le régime  de la preuve (Conseil d’Etat, 11 juillet 2011, n° 321225).

Un fait isolé ne constitue pas un harcèlement moral. Il faut des agissements répétés pas nécessairement sur une longue durée.

🔷 Solution retenue par le Conseil d’Etat :

D’une part, le Conseil d’État a relevé que la Cour administrative d’appel avait souverainement relevé que le changement d’affectation litigieux n’avait entraîné aucune modification de la situation professionnelle de l’agent.

En effet, la Cour administrative d’appel avait relevé qu’il n’y avait aucune modification de sa situation professionnelle, tant en ce qui concerne la nature de ses fonctions que ses conditions de travail. Par ailleurs, elle avait relevé que ce changement d’affectation n’avait pas porté atteinte à sa situation personnelle et n’avait pas présenté le caractère d’une mesure discriminatoire.

Au vu de ces éléments,  la Cour administrative d’appel a considéré qu’il s’agissait d’une mesure d’ordre intérieur. Par voie de conséquence,  cette décision ne pouvait pas faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif.

D’autre part, le Conseil d’Etat relève qu’il ressortait des pièces du dossier que la fonctionnaire avait fait valoir que ce changement d’affectation caractérisait un harcèlement moral. Le Conseil d’Etat a alors pris en compte le harcèlement moral dont a été victime la requérante et qui a été reconnu par le jugement du tribunal administratif de Bastia.

Partant, le Conseil d’Etat considère que la Cour administrative d’appel aurait dû rechercher si la décision contestée portait atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral.

Ce qu’il faut retenir : En cas de contestation d’un changement d’affectation, le juge doit d’abord s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une mesure de harcèlement moral avant de considérer qu’il s’agit d’une mesure d’ordre intérieur.

Pour lire l’arrêt : Conseil d’État, 8 mars 2023, n°451970


Voir également sur le sujet :

Harcèlement moral: un fonctionnaire peut-il être sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral ? 

Fonctionnaire : réparation du préjudice résultant de la « mise au placard » d’un agent

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