sanction disciplinaire fonctionnaire

Les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des fonctionnaires font l’objet de nombreux contentieux devant les juridictions administratives. Nouvelle illustration avec cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

Dans cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux annulant l’arrêté du maire de Montauriol infligeant une sanction d’exclusion temporaire de fonctions à l’agent sanctionné.

En effet, les juges ont considéré que les faits reprochés à cet agent n’étaient pas suffisamment établis et ne justifiaient pas une sanction disciplinaire, et que la sanction prononcée était disproportionnée.

L’occasion pour la Cour administrative d’appel de rappeler que l’autorité disciplinaire doit établir les faits justifiant une sanction. Par ailleurs, le juge doit vérifier si ces faits constituent des fautes justifiant une sanction et si la sanction est proportionnée à la gravité de ces fautes.

🔷 Une commune prononce une sanction disciplinaire à l’encontre d’une fonctionnaire

Une adjointe administrative territoriale principale exerçait les fonctions de secrétaire de mairie à mi-temps au sein de la commune de Montauriol, cumulant ce poste avec un poste identique dans une autre commune.

Le 9 juillet 2021, le maire de Montauriol l’a suspendue de ses fonctions à compter du 16 juillet 2021 et, par un arrêté en date du 22 décembre 2021, a prononcé à son encontre une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de 18 mois.

Il était reproché à cette fonction :

  • Une succession de retards et d’insuffisances dans l’exécution de ses tâches
  • Divers manquements dans le traitement de dossiers prioritaires tels l’enregistrement de pacte civil de solidarité et d’acte de naissance, les inscriptions de nouveaux habitants sur les listes électorales, la non-communication de documents à des administrations, entreprises ou particuliers.
  • Un manque de ponctualité,
  • Un refus d’assister aux conseils municipaux et de rédiger les procès-verbaux
  • D’une façon générale, un comportement inadapté et désagréable envers les partenaires et les usagers de nature à nuire à l’image de la commune

Cette sanction disciplinaire a été annulée par le tribunal administratif de Bordeaux. Le tribunal a enjoint la commune de procéder à la reconstitution de la carrière de cette fonctionnaire.

La commune saisit alors la cour administrative d’appel.

Cet arrêt est très intéressant au regard du rejet des éléments de preuve produits par la Commune. Explications.

🔷Droit applicable en cas de sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire

Aux termes de l’article 29, alors applicable, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :

« Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ».

Aux termes de l’article 89, alors applicable, de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale :

« Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (…) Troisième groupe : la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l’agent ; l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans  (…) ».

➡️  Il incombe à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ( pour des décisions récentes voir : Conseil d’État, 7ème Chambre, 27 juin 2023, 466866 ; Conseil d’État, 7ème Chambre, 19 janvier 2024, 474668; )

🔷Solution retenue

🧿 Rejet des attestations produites par la Commune:

Pour établir les faits justifiant une sanction d’exclusion temporaire de fonctions de 18 mois relevant du 3ème groupe de sanctions, la commune de Montauriol produit une attestation établie le 16 septembre 2021 par la personne qui a remplacé cet agent durant les mois de juillet et août 2021.

Cette attestation fait état d’un dossier de reconnaissance anticipée de naissance déposé en février 2021 non traité. Il est également indiqué qu’il a été constaté que le registre d’état civil de l’année 2021 n’était pas à jour et ne comportait pas une naissance hors commune, un acte de décès, une transcription de décès. En outre, il est fait mention d’un dossier de pacte civil de solidarité non traité. Enfin, il est souligné que le maire de Montauriol s’est adressé à la commune de Cahuzac pour obtenir des modèles de documents non traités par le secrétariat de Montauriol.

La cour considère que cette attestation n’est pas probante:

« Toutefois cette attestation, qui émane d’un agent placé sous l’autorité du maire et exerçant ses fonctions alors l’agent mis en cause venait de faire de faire l’objet d’une mesure de suspension, ne saurait à elle-seule établir les griefs en cause ».

➡️ Alors qu’il ressort des pièces du dossier que la relation de travail entre le maire de Montauriol et l’agent mis en cause s’est dégradée à la suite du congé maladie de cette dernière du 17 avril 2021 pour une durée initiale de huit jours, les attestations produites ainsi par la commune de Montauriol sont peu circonstanciées et reposent sur des propos vagues et imprécis, comme l’on estimé à bon droit tant les membres du conseil de discipline que les premiers juges, et ne permettent pas d’établir la réalité de la gravité des manquements ou des fautes reprochés à l’agent mis en cause.

🧿Prise en compte des attestations produites par la fonctionnaire 

Ces attestations étaient à cet égard elles-mêmes contredites par les propres attestations produites par l’agent mis en cause.

En effet, l’agent mis en cause a produit des attestations émanant notamment d’anciens conseillers municipaux faisant état de sa disponibilité, de son écoute, de son soutien pendant les conseils municipaux, de son professionnalisme et de sa discrétion.

Elle avait également produit une attestation du maire de Mescoules, commune dans laquelle cet agent exerce ses fonctions à temps partiel depuis 2016. Cette attestation relève son professionnalisme, son sérieux et son efficacité que ce soit dans le suivi administratif, le suivi budgétaire et l’accueil du public ainsi que d’administrés attestant de son écoute et de son amabilité et de collègues.

🧿Prise en compte de l’évaluation professionnelle de la fonctionnaire 

Au vu de ces éléments, la Cour rappelle que selon le procès-verbal du conseil de discipline, les évaluations professionnelles de l’agent mis en cause font état d’une manière de servir satisfaisante, qu’elle a bénéficié d’une NBI pour la polyvalence de ses fonctions et n’avait pas fait jusqu’alors l’objet de sanction disciplinaire.

Il est également souligné que si les faits évoqués peuvent pour certains manifester une implication moindre de cet agent dans l’exercice de ses fonctions, ils n’établissent pas les fautes alléguées qui seraient de nature à justifier une sanction du 3ème groupe à savoir une exclusion temporaire de fonctions pour dix-huit mois.

Par suite, la Cour considère que le tribunal, qui a pris en compte tous les éléments produits dans le cadre de ce litige, a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, jugé que le maire de Montauriol avait pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer à l’encontre de cet agent une exclusion temporaire de fonctions de 18 mois.

La sanction disciplinaire prononcée à l’encontre de cette fonctionnaire est donc annulée. La Cour administrative d’appel confirme le jugement rendu en première instance.


Pour lire l’arrêt : Cour administrative d’appel de Bordeaux, 6ème Chambre, 16 janvier 2024, 23BX00053

Sur le même sujet : Procédure disciplinaire : communication du dossier

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