
Le recours à la téléconsultation a été limité par l’avenant 9 à 20% du total annuel des actes par praticien.
Certains praticiens dépassent ce seuil de 20%. Dans cet article nous revenons sur le cadre juridique applicable aux téléconsultations ainsi que sur les dérogations envisageables.
Nous évoquons l’ancienne convention médicale ainsi que la nouvelle (2024-2029).
🔷Qu’est-ce qu’une téléconsultation ?
=> article R6316-1 du Code de la santé publique :
La téléconsultation a pour objet de permettre à un professionnel de santé de donner une consultation à distance à un patient.
🔷Faut-il que le praticien connaisse le patient avant de proposer une téléconsultation ?
La condition de la connaissance préalable du patient par le médecin effectuant la téléconsultation a été supprimée. Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) avait saisi le Conseil d’État afin que le principe de la connaissance préalable du patient soit intégré.
Le Conseil d’État, dans sa décision du 14 octobre 2022 a rejeté la demande du CNOM que:
« Si la consultation peut ainsi désormais, en vertu des stipulations en litige, être réalisée à distance y compris lorsque le patient en bénéficiant n’est pas encore connu du médecin consultant, c’est sous réserve, comme le prévoit également l’article 28-6-1-1, que le parcours de soins coordonné soit respecté, que le médecin traitant et le médecin correspondant aient apprécié l’opportunité du recours à cette modalité de consultation, que le patient, informé des conditions de réalisation de l’acte, ait donné son consentement préalable à celui-ci et que son suivi régulier s’effectue à la fois par des consultations » en présentiel » et des téléconsultations. Ces stipulations n’ont ni pour objet ni pour effet de déroger aux obligations déontologiques qui s’imposent au médecin, notamment celles, mentionnées aux articles R. 4127-32, R. 4127-33 et R. 41227-47 du code de la santé publique, d’assurer personnellement au patient des soins consciencieux et dévoués, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents, d’élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, et d’assurer la continuité des soins aux malades. Le Conseil national de l’ordre des médecins n’est dès lors pas fondé à soutenir qu’elles les méconnaîtraient ».
Aujourd’hui, il convient de se référer à l’article 87-3 de la convention médicale 2024-2029 qui prévoit 3 conditions cumulatives à respecter:
- Respect du parcours de soins coordonné : les patients doivent être orientés initialement par leur médecin traitant dans les cas où ce n’est pas ce dernier qui la réalise.
- Respect de l’alternance des soins en présentiel et en téléconsulation.
- Respect de la territorialité : Le médecin téléconsultant doit se situer à proximité du domicile du patient pour assurer un suivi régulier de l’état de santé du patient et organiser une consultation en présentiel si celle-ci s’avère nécessaire.
Des exceptions sont prévues à l’article 87-4 de la convention médicale 2024-2029.
La précédente convention médicale prévoyait à l’article 28.6.3 de la convention médicale prévoit désormais :
« Suivi et contrôle des actes de télémédecine
Les partenaires conventionnels s’accordent pour considérer qu’un médecin conventionné ne peut donc pas réaliser plus de 20% de son volume d’activité globale conventionnée à distance (téléconsultations et téléexpertises cumulées) sur une année civile. Cette limite s’inscrit dans la position du Conseil national de l’Ordre des médecins après interrogation des conseils nationaux professionnels, l’exercice exclusif de la télémédecine par un médecin ne peut être déontologiquement admis ».
Aujourd’hui, il convient de se référer aux articles 87 et 88 de la convention médicale 2024 -2029. L’article 87-7 prévoit que :
« Les partenaires conventionnels s’accordent pour considérer un seuil maximal d’actes réalisés en téléconsultation hauteur de 20% du volume d’activité globale conventionnée du médecin,sur une année civile. Pour les psychiatres, ce seuil est porté à 40%.
N’entrent pas dans le champ de l’encadrement de l’activité réalisée à distance, les téléconsultations du médecin traitant auprès de sa patientèle médecin traitant,ni les téléexpertises. Des exceptions à ce seuil maximal d’actes,notamment pour les médecins retraités,pourront être décidées en CPN. Ces seuils s’appliquent à titre individuel aux médecins salariés des plateformes de téléconsultations »
🔷Quelles conséquences en cas de non-respect du seuil du 20 %
L’article 28.6.3 de la convention médicale de la précédente convention prévoyait que :
« Le non-respect des conditions de réalisation et de facturation des actes de télémédecine telles que définies dans la présente convention et du seuil maximal d’activité à distance tel que fixé plus haut est susceptible d’enclencher la procédure décrite à l’article 85 de la convention nationale et pourra donner lieu à la récupération des sommes indûment versées, dans le respect du contradictoire et après avertissement du professionnel ».
L’article 85 de la convention médicale précisait que la procédure conventionnelle applicable en cas de manquement imputable à un médecin est décrite à l’Annexe 24 de la présente convention. Vous pouvez télécharger l’annexe ICI (page 277).
– mettre en œuvre la procédure conventionnelle prévue à l’article 85 de la convention et précisée dans l’annexe 24. Il s’agit notamment d’un avertissement, puis le cas échéant, de la saisine de la commission paritaire locale.
Aujourd’hui, il convient de se référer à l’article 103 de la convention médicale 2024-2029:
» En cas de non respect par le médecin des règles organisant les rapports avec l’Assurance maladie et notamment des dispositions législatives, règlementaires et conventionnelles relatives aux règles de prise en charge et de facturation, une procédure d’examen des manquements conventionnels est engagée par les parties conventionnelles locales à l’initiative de la caisse primaire d’Assurance maladie de rattachement du médecin.Le non respect peut porter notamment sur: (…)le non respect des conditions de réalisation et de facturation des actes de télémédecine ».
« En fonction de la gravité et de la répétition des faits reprochés, les sanctions susceptibles d’être prononcées à l’encontre du médecin,pour une période ne pouvant excéder 3ans,sont les suivantes:– Suspension du droit permanent à dépassement ou du droit de pratiquer des honoraires libres;– Suspension du droit à des dépassements autorisés (DE,DA);– Suspension de la participation des caisses à la prise en charge des dispositions sociales prévues à l’Article 94 et suivants de la convention. Pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaire du droit à dépassement permanent, une sanction financière d’un montant équivalent est applicable;– Suspension du bénéfice d’une ou plusieurs rémunérations prévues par la convention;– Déconventionnement, avec sursis ou ferme »
« Le non respect des conditions de réalisation ou de facturation des actes de télémédecine telles que définies dans la présente convention ou de la règle selon laquelle l’activité de téléconsultation d’un médecin ne peut pas être majoritairement exercée à distance est susceptible d’enclencher la procédure de sanction conventionnelle et pourra donner lieu à la récupération des sommes indûment versées au titre des téléconsultations réalisées au delà du seuil susvisé, dans le respect du contradictoire et après avertissement du professionnel«
🔷Demander une dérogation
Les professionnels de santé peuvent formuler une demande de dérogation auprès de la CPAM qui saisira la commission paritaire nationale pour avis avant de prendre une décision (article 87-7 de la convention nationale 2024-2029).
Cette demande de dérogation doit être précise et détailler les raisons qui expliquent le dépassement du seuil.
En cas de décision défavorable, les professionnels de santé peuvent saisir la commission de recours amiable.
En cas de rejet, il faudra alors contester la décision devant le Pôle social du Tribunal judiciaire.
Documents utiles :
Charte de bonnes pratiques de la téléconsultation
CNOM, Mésusage de la télémédecine
Conseil d’État, 1ère chambre, 14 octobre 2022, 461412
HAS, flash sécurité patient, Téléconsultation
Convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie 2024 -2029 – articles 87 et 88