disciplinaire révocation sursis vétérinaire

Dans le cadre d’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un vétérinaire, le Conseil d’Etat a précisé les modalités de révocation du sursis.

🔷 Faits

Un vétérinaire, fondateur d’une société de vétérinaires qui gère dix cabinets et cliniques, et emploie treize vétérinaires ainsi que quinze auxiliaires a fait l’objet de poursuites disciplinaires.

Au début de l’année 2019, le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine de l’Ordre des vétérinaires a porté plainte contre la société et quatre vétérinaires qui y exerçaient, dont ce vétérinaire. Plusieurs manquements déontologiques leur étaient reprochés, notamment des pratiques commerciales incompatibles avec la déontologie de leur profession.

La chambre régionale de discipline a retenu plusieurs griefs et infligé à ce vétérinaire la sanction de trois mois d’interdiction, dont deux avec sursis. En appel, la chambre disciplinaire nationale a écarté un des griefs (le compérage) mais a confirmé la  sanction prononcée.

Ce vétérinaire se pourvoit en cassation. Il a formulé plusieurs moyens dirigés contre le raisonnement et la motivation par lesquels la chambre disciplinaire a retenu certains griefs.

Le pourvoi a été admis en raison de moyens qui touchent à la révocation d’un précédent sursis par l’effet de la nouvelle sanction prononcée.

🔷Droit applicable

La révocation du sursis dont peuvent être assorties les sanctions disciplinaires prononcées contre les vétérinaires est régie par l’article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) :

 « I.- La chambre de discipline peut appliquer aux personnes physiques les sanctions disciplinaires suivantes : / 1° L’avertissement ; / 2° La réprimande ; / 3° La suspension temporaire du droit d’exercer la profession pour une durée maximum de dix ans sur tout ou partie du territoire national, assortie ou non d’un sursis partiel ou total. (…) ; / 4° La radiation du tableau de l’ordre. / (…) III.- Si, dans un délai de cinq ans à compter de la date de la notification d’une sanction assortie d’un sursis, dès lors que cette sanction est devenue définitive, la chambre de discipline prononce une nouvelle suspension du droit d’exercer la profession, la sanction assortie du sursis devient exécutoire sans préjudice de l’application de la nouvelle sanction (…)  ».

Il résulte de ces dispositions que c’est l’intervention d’une seconde sanction d’interdiction d’exercer qui produit l’effet de révocation du précédent sursis, sans que le juge n’ait à la prononcer et sans même qu’il ait la possibilité de ne pas la prononcer. Comme le relève le rapporteur public sous cette décision, ce régime de révocation automatique se distingue de celui que connaissent quasiment toutes les autres professions réglementées notamment des professions médicales et des pharmaciens.

Pour ces professions, la juridiction disciplinaire qui se prononce en second doit apprécier s’il y a lieu de révoquer le sursis. Le cas échéant, elle doit expressément ordonner cette révocation (Article L. 1452 du CSS pour le contrôle technique et articles L. 4124-6 et L. 4234-6 du CSP pour la discipline ordinale des professions médicales et des pharmaciens).

Il est intéressant de rappeler que cette révocation automatique pour les vétérinaires a fait l’objet de deux QPC notamment au regard du principe d’individualisation des peines. Le Conseil Constitutionnel ayant déclaré le III de l’article L. 242-7 du CRPM conforme à la Constitution (Décision n° 2022-1017/1018 QPC du 21 octobre 2022, M. Lucas S. et autre [Révocation du sursis à exécution d’une sanction disciplinaire II].

Aux termes de l’article R. 242-109 du même code :

 « Lorsqu’une décision de suspension du droit d’exercer est devenue définitive, le conseil régional de l’ordre dans le ressort duquel se trouve le domicile professionnel administratif du vétérinaire (…) détermine les conditions d’exécution de cette décision et en particulier les dates de cette suspension, et en informe sans délai les personnes énumérées à l’article R. 242-108. (…)  ».

🔷 Solution retenue

Le Conseil d’État réceptionnant la décision du Conseil Constitutionnel indique qu’il résulte des dispositions de l’article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime :

 « que le sursis partiel ou total dont peut être assortie une sanction de suspension du droit d’exercer la profession de vétérinaire prononcée par la juridiction disciplinaire des vétérinaires constitue une mesure de suspension de l’exécution de la peine. La sanction de suspension du droit d’exercer cette profession assortie en totalité d’un sursis ou la partie de la sanction de suspension assortie d’un tel sursis devient automatiquement exécutoire, sauf à ce qu’elle ne soit pas définitive, lorsqu’une juridiction disciplinaire des vétérinaires prononce, au cours du délai d’épreuve de cinq ans, une nouvelle sanction de suspension. A cette occasion, il appartient à la juridiction disciplinaire, lorsqu’elle fixe la durée de cette nouvelle sanction de suspension, de prendre en compte la durée de la première sanction de suspension assortie d’un sursis, qui deviendra exécutoire du fait de cette nouvelle sanction de suspension. Elle doit en outre le faire apparaître dans sa décision, en faisant référence, dans ses visas ou ses motifs, à cette première sanction de suspension ».

Le Conseil d’Etat a donc suivi les conclusions du rapporteur public.

Le rapporteur public avait en effet rappelé la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de motivation des sanctions disciplinaires. Il en déduisait que cette jurisprudence imposait au juge qui prononce la sanction ayant des effets « révoquants » de faire apparaître dans sa décision qu’il a pris en compte ses effets :

  • Il appartient au juge disciplinaire de motiver sa décision en énonçant les motifs pour lesquels il retient l’existence d’une faute disciplinaire ainsi que la sanction qu’il inflige (Conseil d’Etat, 22 octobre 2018, n° 420178).
  • La décision disciplinaire doit faire apparaître les faits pour lesquels la sanction est infligée (Conseil d’Etat, 15 décembre 1993, n° 129277 ; Conseil d’Etat, 23 avril 1997, Caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure, n° 149013 )
  • Cette exigence de motivation est nécessaire pour que le juge de cassation puisse exercer le contrôle de la sévérité de la sanction (Conseil d’Etat, Assemblée, 30 décembre 2014, n°381245).

Le Conseil d’Etat relève que la juridiction disciplinaire devait prendre en compte la précédente sanction assortie du sursis, intervenue il y a moins de cinq ans et devenue définitive, pour fixer la durée de la nouvelle sanction de suspension infligée au vétérinaire.

Partant, la chambre de discipline nationale a commis une erreur de droit. La décision est annulée.

Pour lire l’arrêt : 

Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 04/10/2023, 461090

Shanffou

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