avis conseil discipline

Dans le cadre d’une procédure pour insuffisance professionnelle, l’administration n’est pas liée par l’avis défavorable du conseil de discipline.

Faits

Le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle contre un attaché d’administration exerçant des fonctions de chargé de projet au sein du secrétariat général du ministère de la justice.

Ce fonctionnaire a alors saisi le tribunal administratif en référé afin d’obtenir la suspension du licenciement et sa réintégration de manière provisoire. Le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Pour prononcer la suspension de l’exécution de la décision contestée, le juges des référés a retenu que:

  • la condition d’urgence était satisfaite
  • deux moyens, tirés, d’une part, de l’absence de sens et de l’insuffisance de motivation de l’avis du conseil de discipline, d’autre part, de l’irrégularité de l’audition des deux témoins cités par l’administration devant le conseil de discipline, étaient de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

Le garde des sceaux, ministre de la justice se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

Droit applicable
  • Article L. 521-1 du code de justice administrative

 » Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / (…) La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision « .

  • Article L. 553-2 du code général de la fonction publique

 » Le licenciement d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire « .

  • Article 8 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat

 » Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l’intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l’enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l’accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l’échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu’à ce que l’une d’elles recueille un tel accord. / La proposition ayant recueilli l’accord de la majorité des membres présents doit être motivée et être transmise par le président du conseil de discipline à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire. Lorsque cette autorité prend une décision autre que celle proposée par le conseil, elle doit informer celui-ci des motifs qui l’ont conduite à ne pas suivre sa proposition. / Dans l’hypothèse où aucune des propositions soumises au conseil de discipline, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n’obtient l’accord de la majorité des membres présents, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s’étant prononcé en faveur d’aucune de ces propositions. Son président informe alors de cette situation l’autorité ayant pouvoir disciplinaire. Si cette autorité prononce une sanction, elle doit informer le conseil des motifs qui l’ont conduite à prononcer celle-ci « .

  • Article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat

 » Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l’administration (…) « .

  • Article 5 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat

Lorsque le conseil de discipline examine l’affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. / Le conseil de discipline entend séparément chaque témoin cité. / A la demande d’un membre du conseil, du fonctionnaire poursuivi ou de son ou de ses défenseurs, le président peut décider de procéder à une confrontation des témoins, ou à une nouvelle audition d’un témoin déjà entendu. / Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l’autorisation d’intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d’ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer « .

Solution retenue
  • Sur l’avis rendu par le Conseil de discipline

Si en matière disciplinaire il existe une échelle de sanctions entre lesquelles l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire peut choisir, en revanche, en cas d’insuffisance professionnelle, la seule mesure qui peut intervenir est l’éviction de l’intéressé. Dans ces conditions, il résulte des dispositions citées au point 4 qu’à défaut de réunir l’accord d’une majorité des membres présents sur la proposition de licenciement d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle, le conseil de discipline doit être regardé comme ayant été consulté et comme ne s’étant pas prononcé en faveur de la proposition de licenciement qui lui est soumise. Un tel avis ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’autorité administrative puisse décider de licencier l’intéressé.

=> L’administration n’est pas liée par l’avis défavorable du conseil de discipline

=> Par suite, en jugeant que le moyen tiré de l’absence de sens et de l’insuffisance de motivation de l’avis du conseil de discipline était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit.

  • Sur les témoignages durant le conseil de discipline

Le Conseil d’Etat a fait application de la jurisprudence Danthony :

 » Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s’il a privé les intéressés d’une garantie ».

=> Le conseil de discipline a auditionné deux personnes comme le permettent les dispositions de l’article 3 du décret du 25 octobre 1984.

Le Conseil d’Etat a estimé que si ces deux agents, auditionnés pour témoigner sur la manière de servir du fonctionnaire ont eu accès aux observations écrites formulées par ce dernier et ont pu répondre directement à ses observations lors de la séance, ni leur audition ni leur attitude n’ont affecté la sincérité des témoignages recueillis ou la possibilité pour ce fonctionnaire de présenter utilement des observations en réponse à leurs témoignages.

Dans ces conditions, en retenant comme étant de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que l’audition de ces deux témoins était de nature à vicier la procédure suivie devant le conseil de discipline, alors qu’elle n’a ni porté atteinte à la garantie attachée à la consultation du conseil de discipline au cours de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ni exercé une influence sur le sens de la décision attaquée, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance et rejette la demande de suspension.

Pour lire l’ordonnance : Conseil d’Etat, 3 mai 2023, n°466103

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