retenues CPAM urgence

Les retenues sur flux effectuées par la CPAM peuvent être contestées en urgence devant le juge des référés. L’arrêt commenté apporte également des précisions quant au paiement par la CPAM d’une pénalité de 10% en cas de retard de paiement des factures.

Faits

Une infirmière libérale a fait l’objet d’un contrôle administratif de ses facturations diligenté par la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille et Vilaine.

À la suite de ce contrôle, la caisse lui a notifié un indu d’un montant de 34 033,16 euros pour des anomalies de facturation. Une pénalité financière de 8 000 euros lui a également été notifiée.

Cette infirmière a contesté la régularité de la procédure de contrôle ainsi que la notification d’indu, devant la commission de recours amiable.

Par la suite, elle a assigné la caisse devant le président du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes statuant en référé afin d’obtenir le remboursement des retenues effectuées par la caisse en remboursement de l’indu notifié le 1er décembre 2021 et de la pénalité financière. Par ailleurs, elle a porté le litige au fond devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes.

Par ordonnance de référé du 7 juillet 2022, le président de ce tribunal a débouté l’infirmière de l’ensemble de ses demandes.

Cette infirmière a interjeté appel devant la Cour d’appel.

Droit applicable

L’article R. 142-1-A II du code de la sécurité sociale dispose :

« Sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les demandes portées devant les juridictions spécialement désignées en application des articles L. 211-16 , L. 311-15 et L. 311 16 du code de l’organisation judiciaire sont formées, instruites et jugées, au fond comme en référé, selon les dispositions du code de procédure civile ».

L’article 835 du code de procédure civile énonce :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

L’article L133-4 du code de la Sécurité sociale, dans sa rédaction applicable lors de la retenue litigieuse, dispose que:

« si le professionnel ou l’établissement n’a ni payé le montant réclamé, ni produit d’observations et sous réserve qu’il n’en conteste pas le caractère indu, l’organisme de prise en charge peut récupérer ce montant par retenue sur les versements de toute nature à venir ».

Il se déduit de cette disposition qu’en cas de contestation par le professionnel de santé de l’indu qui lui est opposé par la caisse d’assurance maladie, la retenue des sommes correspondant au montant de l’indu sur son flux tiers payant ne peut être pratiquée (Cour d’appel de Riom, Chambre Sociale, 14 février 2023, 22/01115). 

Solution retenue
  • Notification d’indu 

La Cour d’appel rappelle que la CPAM a notifié à cette infirmière un indu par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er décembre 2021, présentée à son domicile le 3 décembre 2021. Toutefois, cette lettre est revenue avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’.

La CPAM a procédé à une récupération sur les prestations à devoir à cette infirmière d’un montant de 710 euros le 9 février 2022.

Par courrier du 9 février 2022, l’infirmière a saisi la commission de recours amiable en contestation de l’indu.

La CPAM estime que la présentation de la notification d’indu du 1er décembre 2021 au domicile de l’infirmière le 3 décembre 2021 constitue le point de départ du délai de recours de deux mois pour saisir la commission de recours amiable de sorte que ce délai expirant le 3 février 2022. Pour la CPAM,  la retenue opérée le 9 février 2022 ne présentait donc aucun caractère illicite.

Toutefois, la notification du 1er décembre 2021 a été retournée à la CPAM de sorte que l’infirmière n’en a pas eu connaissance. Par voie de conséquence, le délai de recours n’a pu courir (2e Civ., 21 octobre 2021, pourvoi n° 20- 16.631).

C’est au vu de ces éléments que la Cour d’appel considère que la caisse n’était fondée à se prévaloir de l’absence de contestation du professionnel pour opérer une retenue sur les versements.

=> La retenue opérée le 9 février 2022 constitue par conséquent un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin.

  • Pénalité financière 

Par ailleurs, au titre de la pénalité financière notifiée à l’infirmière  le 30 mars 2022, la caisse a opéré deux retenues sur les flux les 7 et 8 juin 2022 pour un montant total de 1 690,70 euros.

Le recours contre la décision de pénalité financière doit être porté directement devant le pôle social dans le délai de deux mois de la notification de la décision (article L. 162-1-14 du code de la Sécurité sociale). Dans le cas d’espèce, le délai de recours expirait le 30 mai 2022.

L’infirmière a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes par requête du 20 mai 2022.

=> Dès lors que l’infirmière avait saisi le tribunal de Rennes dans le délai imparti, les retenues opérées les 7 et 8 juin 2022 constituent également un trouble manifestement illicite.

La caisse indique n’avoir eu connaissance de la saisine par l’infirmière du tribunal judiciaire de Rennes que le 10 juin 2022 et avoir procédé à la restitution de la somme de 1 690,70 euros le 20 juin 2022, ce dont elle justifie par le reflet informatique de l’ordre de virement.

La Cour d’appel considère toutefois qu’il appartenait à la caisse de s’assurer de l’absence effective de toute contestation avant d’initier les retenues en cause quelques jours seulement après l’expiration du délai de recours.

Au vu de tous ces éléments, la cour d’appel décide d’infirmer l’ordonnance  en ce qu’elle a débouté l’infirmière de sa demande de restitution s’agissant de la somme de 710 euros.

Par ailleurs,  la caisse a été condamnée à restituer cette somme à l’infirmière, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la  décision.

Enfin, la Cour d’appel a enjoint à la CPAM de cesser d’opérer des retenues sur le flux tiers payant de l’infirmière pour l’avenir.

  • Point particulier : le paiement de la pénalité de 10% à raison du retard dans le règlement des factures

L’article L. 161-36-3 du code de la Sécurité sociale, dans sa version applicable à l’espèce, dispose :

« Lorsque le professionnel de santé applique le tiers payant, le paiement de la part prise en charge par l’assurance maladie est garanti, dès lors qu’il utilise le moyen d’identification électronique de l’assuré mentionné à l’article L. 161-31 et que celui-ci ne figure pas sur la liste d’opposition prévue au même article. Ce paiement intervient dans un délai maximal fixé par décret. Ce décret fixe les conditions et les limites dans lesquelles l’assurance maladie peut déroger à ce délai à la seule fin de procéder aux contrôles adéquats si le professionnel de santé a été sanctionné ou condamné pour fraude au cours des deux dernières années. Ce décret fixe également les cas dans lesquels le paiement peut être garanti au professionnel s’il est amené exceptionnellement à pratiquer le tiers payant au vu d’autres justificatifs de droits.

Le non-respect du délai mentionné au premier alinéa du présent article ouvre droit, pour le professionnel de santé concerné, sans préjudice des sommes dues, au versement d’une pénalité, selon des modalités fixées par décret. […] ».

L’article D. 161-13-3 du code de la Sécurité sociale prévoit que le délai maximal de paiement est fixé à sept jours ouvrés.

L’article D. 161-13-4 du code de la Sécurité sociale poursuit ainsi :

« En application du deuxième alinéa de l’article L. 161-36-3, le non-respect du délai fixé à l’article D. 161-13-3 par l’organisme d’assurance maladie entraîne le versement au professionnel de santé :

-soit d’une pénalité forfaitaire de 1 € calculée pour chaque facture payée le huitième jour ouvré ou le neuvième jour ouvré ;

-soit d’une pénalité égale à 10 % de la part prise en charge par l’assurance maladie calculée pour chaque facture payée à compter du dixième jour ouvré.

Ces pénalités sont versées au cours du semestre qui suit celui au titre duquel elles sont dues ».

Eu égard aux retenues irrégulières opérées par la caisse et au fait que le remboursement de la somme de 1 690,70 euros est intervenu au-delà du délai de 10 jours, qui court à compter de l’utilisation par le professionnel de santé du moyen d’identification électronique de l’assuré, il n’est pas sérieusement contestable que la pénalité de 10 % trouve à s’appliquer en l’espèce sur l’ensemble des sommes retenues.

La cour d’appel a donc décidé d’ordonner le paiement par la caisse à l’infirmière d’une somme provisionnelle de 240,07 euros à ce titre.

Au vu de tous ces éléments, la cour d’appel a également enjoint à la CPAM de cesser d’opérer des retenues sur le flux tiers payant pour l’avenir.

***

Pour lire l’arrêt :Cour d’appel de Rennes, 9ème Ch Sécurité Sociale, 29 mars 2023, 22/04897

Voir également : Cour d’appel de Riom, Chambre Sociale, 14 février 2023, 22/01115

Shanffou

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