La discrimination liée à l’âge est également sanctionnée par les juridictions administratives.
🔷 Faits
Le litige concerne un agent contractuel de droit public (de catégorie A), en contrat à durée indéterminée depuis le 1er mai 1983, au sein du cabinet du ministère des outre-mer. À compter du 1er janvier 2018, il a exercé ses fonctions au sein de la section « Intervention et courrier général » du bureau du cabinet du ministre des outre-mer.
Par un courrier du 9 juillet 2021, le sous-directeur des personnels de la direction des ressources humaines du ministère de l’intérieur lui a infligé un blâme. Ce blâme était fondé sur son refus manifeste d’accomplir les missions lui étant confiées par sa hiérarchie. En outre, il était fondé sur le manque d’investissement dans ses fonctions depuis son affectation au sein du bureau du cabinet des outre-mer.
Il lui était ainsi reproché d’avoir des difficultés « sur le plan informatique, une absence d’autonomie sur son poste, sa volonté de laisser à sa cheffe de section les courriers les plus complexes à rédiger, son opposition à la dotation en postes NOEMI nécessaires au télétravail ainsi que sa volonté de continuer de travailler en présentiel malgré la période de crise sanitaire, une limitation à sa fonction de rédacteur sans prendre la mesure de son poste d’adjoint, et son implication dans les tensions avec un autre agent du service.»
Cet agent demande l’annulation de la décision du 9 juillet 2021 lui infligeant un blâme et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
🔷Droit applicable
Article 43-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat, applicables en l’espèce:
« Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent non titulaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, est constitutif d’une faute l’exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ».
Article 43-2 du même décret :
« Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L’avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L’exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d’un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée ».
=> Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 13 mars 2019, 407199; Cour administrative d’appel de Lyon, 5ème chambre, 30 mars 2023, 21LY02617).
🔷Solution retenue
Dans un premier temps, le tribunal a retenu que l’administration lui reprochait d’être à l’origine de la saisine à la fin de l’année 2020 de la cellule « Allo -Discri » du ministère des outre-mer dénonçant le comportement de leur nouvelle cheffe de section, arrivée en août 2020, à raison des faits de discrimination en raison de l’âge et de harcèlement moral dont il s’estimait victime de sa part. Il lui était également reproché:
- de ne pas s’être suffisamment investi dans ses fonctions pour assurer l’intérim de sa cheffe de section en son absence,
- d’avoir rejeté l’apprentissage relatif aux postes NOEMI
- d’avoir encouragé la présence physique de ses collègues en période de pandémie de covid-19
- d’avoir conjugué ses efforts avec sa collègue pour contrecarrer les nouvelles méthodes de travail mises en œuvre par sa cheffe de section.
L’agent contestait la matérialité de ces faits.
Dans un deuxième temps, le tribunal relève que certains des comportements reprochés à l’agent relèvent davantage, à les supposer établis, de l’insuffisance professionnelle que de la faute professionnelle.
Par ailleurs, le tribunal relève que l’administration en se bornant (…) à faire état des carences condamnables de la cohésion d’équipe, causées par des « agents démissionnaires » en visant directement l’agent concerné par la mesure, et à affirmer que l’arrivée, mi-2020, d’une cheffe de section plus soucieuse des équilibres de charge de travail au sein de la section, aurait mis en lumière la productivité « exagérément faible » de cet agent tant en volume de courrier traité qu’en production de contenus, sans assortir ses allégations d’éléments concrets ou témoignages et sans illustrer davantage son propos, n’établit pas la réalité des faits dénoncés.
En outre, le tribunal relève que ces allégations ne sont pas corroborées par les comptes-rendus d’entretien professionnel (CREP) de l’agent au titre des années 2017 à 2019. En effet, ces CREP font état de sa « réelle capacité d’adaptation pour intégrer la section () sur un domaine professionnel nouveau et très différent de ses anciennes fonctions », de « sa grande conscience professionnelle dans le cadre des consignes qui lui sont assignées », de « son implication () sur ses fonctions de rédacteur et d’adjoint à la cheffe de section », de sa « maîtrise des grandes bases du logiciel de gestion de courrier Elise, ainsi que des outils bureaucratiques utilisés par la section », et enfin de « qualités relationnelles qui font de lui un collaborateur apprécié et reconnu de l’ensemble de ses collègues ».
De surcroît, l’intervention du 1er mars 2021 de la secrétaire générale du SMI-CFDT alertant le ministre des outre-mer sur le profond malaise ressenti par certains agents depuis l’arrivée de la nouvelle cheffe de section, dénonce le comportement inapproprié de celle-ci et rapporte des propos empreints de discrimination liés à l’âge des agents mis en cause.
Enfin, la teneur du courrier de saisine du chef de cabinet du ministre des outre-mer en date du 22 avril 2021 à l’attention de la directrice des ressources humaines du ministère qui préconise le licenciement de cet agent « sous réserve de validation à l’issue de l’analyse du dossier par la commission de discipline », « compte tenu de la nature des faits et de la situation de l’intéressé, qui a déjà atteint l’âge légal de la retraite », laisse à tout le moins présumer de la part de l’administration une attitude discriminatoire envers cet agent.
=> Il résulte de tout ce qui précède que cet agent est fondé à soutenir que l’administration a entaché sa décision 9 juillet 2021 lui infligeant un blâme d’erreur sur la matérialité et sur la qualification juridique des faits. La décision est annulée.
Pour lire le jugement :
Tribunal administratif de Paris, 5e Section – 1re Chambre, 22 septembre 2023, 2200562