Le dépassement de la durée de travail maximale peut avoir des conséquences en termes de sécurité et de santé des travailleurs. En conséquence, la responsabilité de la commune peut dès lors être engagée.
🔷 Faits
Un adjoint technique territorial a été recruté par une commune afin d’assurer l’entretien d’un camping municipal et de ses installations techniques ainsi que pour gérer l’accueil au sein de celui-ci.
Il a été placé en congé de maladie à compter du 28 mars 2014, puis en congé de longue durée à compter du 28 mars 2017.
Le 30 octobre 2018, il a présenté une demande préalable indemnitaire en vue de la réparation de divers préjudices qu’il estime avoir subis en raison de la durée excessive de son temps de travail, responsable selon lui de ses problèmes de santé.
Cette demande a été expressément rejetée.
Il a alors saisir le tribunal administratif afin :
- Qu’un expert médical soit désigné avant-dire-droit,
- Que la commune de Pontgibaud soit condamnée à lui verser une provision de 5 000 euros ainsi que des dommages et intérêts.
Il conteste ce jugement devant la Cour administrative d’appel.
🔷Droit applicable en matière de dépassement de la durée de travail
Article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 611-2 du code général de la fonction publique :
« Les règles relatives à la définition, à la durée et à l’aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales (…) sont fixées par la collectivité (…), dans les limites applicables aux agents de l’État, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. / Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du premier alinéa. (…) ».
Article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale :
« Les règles relatives à la définition, à la durée et à l’aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 (…) ».
Article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature :
« La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l’État ainsi que dans les établissements publics locaux d’enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées (…) ».
Article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé :
« I.- L’organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d’une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures. Les agents bénéficient d’un repos minimum quotidien de onze heures. L’amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures. (…) ».
🔷Solution retenue
La Cour administrative rappelle que le dépassement de la durée de travail maximale peut avoir des conséquences en termes de sécurité et de santé des travailleurs et que la responsabilité de la commune peut dès lors être engagée :
« Le dépassement de la durée maximale de travail prévue tant par le droit de l’Union européenne que par le droit national est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé des travailleurs intéressés en ce qu’il les prive du repos auquel ils ont droit et peut leur causer, de ce seul fait, un préjudice indépendamment de leurs conditions de rémunération ou d’hébergement ».
Après avoir effectué ce rappel, la cour administrative analyse les faits de l’espèce pour considérer que le fonctionnaire a subi a préjudice devant être réparé.
En effet, ce fonctionnaire assurait personnellement l’accueil des touristes et la facturation des séjours. Le maire lui avait indiqué que « sa présence [était] requise en permanence, dimanches et jours fériés compris, pendant cette période ».
Par ailleurs, il apparaît qu’aucune délibération fixant des équivalences en matière de durée du travail ou définissant des modalités particulières de prise en compte du travail de nuit, ou du travail effectué les dimanches et les jours fériés n’avait été adoptée par le conseil municipal.
La cour administrative d’appel relève que les périodes de travail effectif correspondent aux périodes durant lesquelles les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Par voie de conséquence, il n’est pas contestable que ce fonctionnaire a été « amené à travailler plus de quarante-huit heures hebdomadaires, pour une durée quotidienne excédant dix heures, sans bénéficier de journée de repos hebdomadaire et d’un repos quotidien de onze heures, dès lors qu’il ne pouvait librement vaquer à ses occupations personnelles lorsqu’il assurait ses tâches de gestion du camping municipal ».
La commune a donc commis une illégalité fautive qui engage sa responsabilité.
La Cour décide d’attribuer une somme globale de 3000 euros au regard des troubles dans les conditions d’existence subis par ce fonctionnaire sans ordonner une expertise.
Pour lire l’arrêt:
Cour administrative d’appel de Lyon, 3ème chambre, 27 septembre 2023, 21LY01861