L’annulation de la suspension d’un professeur peut être obtenue devant le juge administratif.
Faits
Par un arrêté du 17 juillet 2020, le président de l’université d’Evry-Val-d’Essonne, , a suspendu pour une durée de six mois, sans privation de traitement, une professeure des universités affectée dans cet établissement. Il avait au préalable a engagé à son encontre une procédure disciplinaire.
Le président de l’université reproche à cette professeure :
- La conduite d’expérimentations sur des êtres humains sans autorisation préalable.
- L’exercice d’une activité professionnelle à des fins lucratives en l’absence de toute autorisation de cumul.
- L’utilisation du matériel de l’université d’Evry-Val-d’Essonne et du laboratoire qu’elle dirigeait à des fins lucratives.
- L’invitation de personnes extérieures sans autorisation préalable expresse du président de l’université, dans le cadre d’une activité privée.
Cette professeure demande l’annulation de cette suspension.
Il est précisé que les poursuites disciplinaires engagées contre elles ont abouti à l’infliction d’un blâme par la section disciplinaire de l’université. En effet, la section disciplinaire de l’université a considéré que l’exercice d’une activité professionnelle personnelle à des fins lucratives en l’absence de toute autorisation de cumul justifiait le prononcé d’un blâme. En revanche, tous les autres griefs invoqués par le président de l’Université ont été rejetés.
Droit applicable
Article L. 951-4 du code de l’éducation : « Le ministre chargé de l’enseignement supérieur peut prononcer la suspension d’un membre du personnel de l’enseignement supérieur pour un temps qui n’excède pas un an, sans suspension de traitement ».
=> La suspension d’un professeur des universités sur le fondement de ces dispositions revêt un caractère conservatoire et vise à préserver l’intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l’intéressé au sein de l’établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.
Dans ses conclusions, le rapporteur public rappelle que le Conseil d’Etat a déjà jugé qu’une suspension était justifiée dans les cas suivants:
- Un risque d’atteinte à l’image et à la réputation de l’université du fait de l’inscription d’étudiants à une formation pour laquelle ils ne pourraient pas se voir délivrer de diplôme (Conseil d’État, 4ème / 5ème SSR, 10/12/2014, 363202).
- Le retentissement d’allégations de faits de harcèlement moral et sexuel (Conseil d’Etat, 18 juillet 2018, n° 418844).
- L’émotion suscitée par des faits d’agression violente pouvant perturber les enseignements (Conseil d’Etat, 28 juin 2019, n° 422464 ; Conseil d’Etat, 24 décembre 2019, n° 428099).
- Une dégradation profonde du climat de travail due à un comportement violent et imprévisible, affectant les activités universitaires et le déroulement des enseignements (Conseil d’Etat, 13 octobre 2021, n° 433525).
- Une situation de cumul non autorisé qui induisait des carences graves dans la poursuite des activités d’enseignement et dans l’encadrement pédagogique et administratif des filières dont l’enseignant avait la er responsabilité (Conseil d’Etat, 1 juin 2022, n° 458362).
Solution retenue
En ce qui concerne les expérimentations menées sur des êtres humains :
Le Conseil d’Etat relève que le président de l’université fait état de soupçons relatifs à la conduite d’expérimentations par une doctorante, dont cette professeure codirigeait la thèse, en l’absence de saisine préalable du Comité de protection des personnes.
Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le président de l’université lui a indiqué maintenir la soutenance de thèse après avoir relevé l’obtention de l’avis favorable du Comité de protection des personnes et pris acte de ce que les expérimentations avaient été menées postérieurement à cet avis.
En ce qui concerne l’invitation sans autorisation préalable de personnes extérieures à l’université dans le cadre d’une activité privée
Le président de l’université s’est fondé exclusivement sur une vidéo du 8 mai 2016 publiée sur le réseau social » facebook » à propos de tests réalisés au sein du laboratoire alors dirigé par cette professeure. Dans cette vidéo, le président soutenait qu’un étudiant non autorisé apparaissait.
Toutefois, le caractère privé de cette activité n’est pas démontré ni la réitération du manquement allégué.
=> Le Conseil d’Etat retient que ces deux manquements invoqués par le président de l’Université ne peuvent pas être regardés comme revêtant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité à la date de l’arrêté attaqué.
En ce qui concerne l’exercice sans autorisation de cumul d’une activité lucrative à travers les sociétés Billatraining et Billatraining Concept ainsi que l’utilisation du matériel de l’université et du laboratoire » Unité de biologie intégrative des adaptations à l’exercice » (UBIAE) qu’elle dirigeait dans le cadre de l’activité de ces sociétés
Le Conseil d’Etat relève qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la poursuite des activités de l’intéressée au sein de l’université Evry-Val-d’Essonne aurait présenté, à la date de l’arrêté attaqué, des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours pouvant justifier, outre l’engagement de poursuites disciplinaires, la suspension de cette professeure.
L’arrêté prononçant la suspension de cette professeure est annulée.
Ce qu’il faut retenir
Pour lire l’arrêt : Conseil d’État, 4ème chambre jugeant seule, 13 avril 2023, 466732