télétravail refus collectivité territoriale

La cour administrative d’appel de Lyon a précisé les marges de manœuvre dont dispose l’organe délibérant d’une collectivité territoriale pour mettre en œuvre le télétravail, en dehors des périodes de pandémie.

Faits

En l’espèce, la requérante, responsable administrative et logistique du réseau des médiathèques à la communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné, a formulé deux demandes successives de télétravail pour raisons de santé, qui ont été rejetées par le président de la communauté de communes, lequel a proposé un aménagement d’horaires dérogatoire que l’intéressée a refusé.

Par la suite, elle a demandé à la communauté de communes que soit prise une délibération organisant le télétravail au sein de la collectivité en application de l’article 7 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016. Le conseil communautaire a pris, le 17 novembre 2016, une délibération par laquelle il écartait le télétravail pour l’ensemble des activités des services.

La requérante a demandé à la cour l’annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté son recours contre cette délibération et contre le rejet, en date du 16 mars 2017, de son recours gracieux.

Droit applicable

La cour administrative d’appel a, tout d’abord, rappelé le cadre juridique applicable et notamment :

– Aux termes de l’article 133 de la loi du 12 mars 2012 susvisée, dans sa version applicable au litige :  » Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu’il est défini au premier alinéa de l’article L. 1222-9 du code du travail. L’exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. Il peut y être mis fin à tout moment, sous réserve d’un délai de prévenance. Les fonctionnaires télétravailleurs bénéficient des droits prévus par la législation et la réglementation applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur employeur public. (…). « 

– Aux termes de l’article 7 du décret du 11 février 2016  :  » I. – Un arrêté ministériel pour la fonction publique de l’État, une délibération de l’organe délibérant pour la fonction publique territoriale, une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination pour la fonction publique hospitalière, pris après avis du comité technique ou du comité consultatif national compétent, fixe : 1° Les activités éligibles au télétravail ; 2° La liste et la localisation des locaux professionnels (…) ; 3° Les règles à respecter en matière de sécurité des systèmes d’information et de protection des données ; 4° Les règles à respecter en matière de temps de travail, de sécurité et de protection de la santé ; 5° Les modalités d’accès des institutions compétentes sur le lieu d’exercice du télétravail ( …) ; 6° Les modalités de contrôle et de comptabilisation du temps de travail ; 7° Les modalités de prise en charge, par l’employeur, des coûts (…) ; 8° Les modalités de formation aux équipements et outils nécessaires à l’exercice du télétravail ; 9° La durée de l’autorisation mentionnée à l’article 5 si elle est inférieure à un an.

Aux termes de l’article 5 du même décret :  » L’exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l’agent. Celle-ci précise les modalités d’organisation souhaitées, notamment les jours de la semaine travaillés sous cette forme ainsi que le ou les lieux d’exercice. Le chef de service, l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées, l’intérêt du service et, lorsque le télétravail est organisé au domicile de l’agent, la conformité des installations aux spécifications techniques précisées par l’employeur. (…) « .

Solution retenue :

Il résulte de ces dispositions que le télétravail, tel qu’il est défini par le code de travail auquel il est fait référence pour son application aux agents publics, constitue une forme d’organisation du travail à laquelle les agents, lorsque cette faculté leur a été ouverte collectivement par l’organe délibérant de la collectivité qui définit les activités éventuellement éligibles, peuvent être autorisés à recourir par le chef de service pour l’exercice de leurs fonctions à la suite d’une demande individuelle appréciée au regard de l’intérêt du service et au vu de l’emploi exercé par l’agent demandeur.

Après avoir rappelé ce cadre juridique, la cour administrative d’appel  a considéré que si les dispositions réglementaires issues des articles 5 et 7 précitées du décret du 11 février 2016 n’ont pas pour portée de poser un droit individuel au télétravail, elles ont entendu énumérer les critères au vu desquels l’organe délibérant et l’autorité territoriale, ou le chef de service, doivent chacun respectivement, pour le premier, déterminer collectivement l’éligibilité au télétravail des missions exercées dans la collectivité et, pour la seconde, régler l’exercice individuel de celui-ci par l’agent demandeur.

« Il suit de là que, s’il appartient, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, à l’organe délibérant d’organiser la mise en oeuvre du télétravail dans la collectivité selon la nature et les conditions d’exercice des activités et missions qu’elle exerce, il ne saurait, sans méconnaître la portée desdits critères, étendre l’objet de sa délibération à une introduction ou un refus du télétravail poste par poste au regard de l’intérêt du service, lequel au demeurant relève du pouvoir d’appréciation du chef de service qui l’exerce en statuant sur les demandes individuelles des agents ».

Il ressort de la rédaction de la délibération en litige que, pour décider  » qu’aucune des activités et missions exercées par les agents de la communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné n’est éligible au télétravail « , le conseil communautaire a déduit d’une analyse en cinq points de la structure, des effectifs et de l’organisation de la collectivité, que la mise en place du télétravail ne correspond pas à l’intérêt du service et de l’ensemble des agents. L’organe délibérant a ainsi excédé l’appréciation qu’il lui revenait de porter sur la nature et les conditions d’exercice des activités et missions de la communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné pour fonder son refus d’appliquer le télétravail exclusivement sur une appréciation de l’intérêt du service, comprenant une appréciation de l’intérêt individuel des agents. Le conseil communautaire a dès lors statué au-delà des critères qu’il lui appartenait de prendre en compte pour l’application des dispositions susanalysées.

Il en résulte que la délibération en litige  méconnaît les articles 5 et 7 précités du décret du 11 février 2016 fixant un champ d’examen au conseil communautaire.

Pour lire l’arrêt : CAA de LYON, 7ème chambre, 03/06/2021, 19LY02397

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