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Le refus d’inscription à l’Ordre des médecins fait l’objet de nombreux contentieux. La procédure de contestation d’un refus d’inscription à l’Ordre est spécifique, notamment au regard des organes compétents et des délais de contestations.

Quelles sont les conditions d’inscription au tableau ?

L’obligation d’inscription

L’inscription au tableau de l’Ordre des médecins constitue une obligation légale préalable à l’exercice de la médecine en France.

L’article R.4112-1 du Code de la santé publique prévoit la liste des documents à fournir pour solliciter son inscription.

Point particulier  pour les ressortissants d’un Etat étranger:

« un extrait de casier judiciaire ou un document équivalent, datant de moins de trois mois, délivré par une autorité compétente de l’Etat d’origine ou de provenance ; cette pièce peut être remplacée, pour les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen qui exigent une preuve de moralité ou d’honorabilité pour l’accès à l’activité de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme, par une attestation datant de moins de trois mois de l’autorité compétente de l’Etat d’origine ou de provenance certifiant que ces conditions de moralité ou d’honorabilité sont remplies ; »

Cette inscription constitue un préalable absolu à l’exercice légal de la médecine en France, tout exercice sans inscription étant passible de poursuites pour exercice illégal de la profession.

L’exercice illégal de la médecine est défini à l’article L 4161-1 du Code de la santé publique.

La procédure d’instruction

Le conseil départemental accuse réception de la demande dans un délai d’un mois et désigne un rapporteur parmi ses membres.

Ce rapporteur procède à l’instruction de la demande, demande communication du bulletin n°2 du casier judiciaire de l’intéressé et rédige un rapport écrit.

 L’étude du dossier consiste à vérifier que le demandeur remplit les conditions requises d’inscription, notamment celles de moralité et d’indépendance, de compétences professionnelles et qu’il ne présente pas une infirmité ou un état pathologique incompatible avec l’exercice de la profession.

Le cas échéant une expertise peut être diligentée.

Aucune décision de refus d’inscription ne peut être prise sans que l’intéressé ait été invité quinze jours au moins à l’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à comparaître devant le conseil pour y présenter ses explications.

La décision de refus est motivée c’est-à-dire qu’elle doit exposer les raisons en droit et en fait pour lesquelles l’inscription est refusée.

Les délais pour obtenir son inscription à l’Ordre

Selon l’article L4112-3 du Code de la santé publique, le conseil départemental dispose d’un délai maximum de trois mois pour statuer sur la demande d’inscription, à compter de la réception du dossier complet.

Ce délai peut être porté à six mois pour les ressortissants d’États tiers lorsqu’une enquête hors de France métropolitaine s’avère nécessaire. Passé ce délai, l’absence de réponse constitue une décision implicite de refus susceptible de recours.

Refus d’inscription à l’Ordre : quels motifs ?

L’article R.4112-2 du Code de la santé publique énumère les trois motifs pouvant justifier un refus d’inscription :

  1. Le défaut de moralité et d’indépendance
  2. L’insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession
  3. L’existence d’une infirmité ou d’un état pathologique incompatible avec l’exercice de la profession

Cette liste limitative protège les demandeurs contre l’arbitraire administratif et impose aux conseils départementaux de motiver précisément leurs décisions de refus.

Le défaut de moralité et d’indépendance

Définition et portée

La condition de moralité constitue le premier motif de refus. Cette obligation de moralité est prévue à l’article R.4127-3 du Code de la santé publique :

« Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ».

 La jurisprudence est venue préciser les contours de ce principe de moralité.

Exemples de décisions rendues sur le défaut de moralité et d’indépendance 

Condamnation pénale ou disciplinaire : lors de la demande d’inscription au tableau de l’ordre dont il relève, le médecin remet sa demande ou l’adresse au président du conseil de l’ordre du département dans lequel il veut établir sa résidence professionnelle en l’accompagnant notamment d’une déclaration sur l’honneur certifiant qu’aucune instance pouvant donner lieu à condamnation ou sanction susceptible d’avoir des conséquences sur l’inscription au tableau n’est en cours à son encontre « .

L’ouverture d’une information judiciaire, qui ne constitue qu’une procédure préalable à un éventuel jugement, n’est pas une
 » instance pouvant donner lieu à condamnation ou sanction  » au sens et pour l’application de ces dispositions. Conseil d’État, Chambres réunies, 6 février 2025, 473343

Pour une décision concernant un chirurgien-dentiste mais parfaitement transposable aux médecins :

« En estimant que M. B ne remplissait pas la condition de moralité exigée pour l’exercice de la profession de chirurgiens-dentistes par les dispositions de l’article L. 4112-1 du code de la santé publique cité au point 2 au seul motif qu’il n’avait pas suffisamment précisé l’ensemble des sanctions en cours lors de sa demande d’inscription au tableau du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques de l’ordre des chirurgiens-dentistes, la formation restreinte du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes a fait une inexacte application de ces dispositions. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la décision attaquée doit être annulée ». Conseil d’État, Chambres réunies, 15 octobre 2024, 488103

Le fait d’omettre de mentionner ses condamnations pénales ou disciplinaires lors de la demande d’inscription peut entraîner un refus d’inscription fondé sur un défaut de moralité :

 « Considérant, en deuxième lieu, qu’en se fondant, pour rejeter la demande d’inscription de M. A… au tableau de l’ordre des médecins, sur la circonstance qu’il ne remplissait pas la condition de moralité requise en raison, d’une part, de ce qu’il avait omis de faire état, dans son dossier de demande, d’une sanction disciplinaire d’interdiction du droit d’exercer la médecine pendant six mois, prononcée à son encontre le 18 mai 2011 et, d’autre part, de plusieurs faits d’atteintes sexuelles, d’agressions sexuelles et de viols commis par lui, entre 1991 et 1994, sur des mineurs de moins de quinze ans, le conseil national de l’ordre n’a, au regard de la gravité de ces faits et alors même que ceux-ci étaient anciens, pas fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 4112-1 du code de la santé publique  »; CE, 4e et 1re ch. réunies, 19 déc. 2018, n° 414503, 

L’insuffisance professionnelle

Conditions de déclenchement de l’expertise

L’expertise est prévue à l’article  R 4112-2 du Code de la santé publique :

« II.-En cas de doute sérieux sur la compétence professionnelle du demandeur, le conseil départemental saisit, par une décision non susceptible de recours, le conseil régional ou interrégional qui diligente une expertise. Le rapport d’expertise est établi dans les conditions prévues aux II, III, IV, VI et VII de l’article R. 4124-3-5 et il est transmis au conseil départemental.

S’il est constaté, au vu du rapport d’expertise, une insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession, le conseil départemental refuse l’inscription et précise les obligations de formation du praticien. La notification de cette décision mentionne qu’une nouvelle demande d’inscription ne pourra être acceptée sans que le praticien ait au préalable justifié avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision du conseil départemental ».

➡️  En cas de doute sérieux sur la compétence professionnelle du demandeur, le conseil départemental peut saisir le conseil régional qui diligente une expertise. Ce doute peut résulter d’une absence d’activité médicale depuis l’obtention du diplôme, d’une interruption prolongée d’activité ou d’informations convergentes émanant de patients ou de confrères.

Procédure d’expertise

L’expertise est réalisée par trois médecins experts qualifiés dans la même spécialité : le premier choisi par le médecin concerné, le deuxième par le conseil régional, et le troisième par les deux premiers parmi les personnels enseignants et hospitaliers. Les experts disposent de six semaines pour déposer leur rapport qui évalue les insuffisances du praticien, leur dangerosité et préconise les moyens de formation nécessaires.

Conséquences du rapport d’expertise

Si le rapport relève l’existence d’une insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession, le conseil départemental refuse l’inscription tout en précisant les obligations de formation. Le praticien ne peut solliciter une nouvelle inscription tant qu’il n’a pas rempli ces obligations préalables.

L’état pathologique incompatible

Définition et champ d’application

L’état pathologique incompatible est mentionné  est  à l’article  R 4112-2 du Code de la santé publique :

« III.-En cas de doute sérieux sur l’existence d’une infirmité ou d’un état pathologique incompatible avec l’exercice de la profession, le conseil départemental saisit, par une décision non susceptible de recours, le conseil régional ou interrégional qui diligente une expertise. Le rapport d’expertise est établi dans les conditions prévues aux II, III, IV, VII et VIII de l’article R. 4124-3. »

➡️  Ce motif concerne les situations où l’état de santé du praticien, qu’il s’agisse d’une infirmité physique ou de troubles psychiatriques, est jugé incompatible avec l’exercice de la médecine. Le conseil peut refuser l’inscription lorsqu’il existe un doute sérieux sur cette compatibilité.

Procédure d’expertise médicale

En cas de doute sérieux, le conseil départemental peut faire procéder à un examen par un médecin expert. Cette expertise doit déterminer si l’état de santé du demandeur est compatible avec l’exercice de la profession en toute sécurité pour les patients.

Quels sont vos droits lors d’un refus d’inscription à l’Ordre ?

L’obligation de motivation

L’article L4112-3 du Code de la santé publique impose que toute décision de refus d’inscription soit motivée. Cette obligation constitue une garantie fondamentale qui permet au demandeur de comprendre les raisons du refus et de préparer sa défense. L’absence de motivation ou une motivation insuffisante peut entraîner l’annulation de la décision.

Le respect du contradictoire

Aucune décision de refus ne peut être prise sans que l’intéressé ait été invité quinze jours au moins à l’avance par lettre recommandée à comparaître devant le conseil pour présenter ses explications. Cette garantie procédurale fondamentale assure le respect des droits de la défense et permet au demandeur d’être entendu avant toute décision défavorable.

La notification de la décision

Dans la semaine qui suit la décision du conseil, celle-ci doit être notifiée par lettre recommandée à l’intéressé. La notification doit mentionner les voies et délais de recours, faute de quoi ces délais peuvent être étendus. Cette exigence garantit l’information du demandeur sur ses droits.

Quelles sont les voies de recours contre la décision de refus d’inscription à l’Ordre ?

Le recours devant le conseil régional

Principe et délais

L’article R.4112-4 du Code de la santé publique prévoit qu’une décision défavorable peut être contestée devant la formation restreinte du conseil régional dans un délai de 30 jours à compter de la notification. Ce recours doit être formé par lettre recommandée avec avis de réception.

Procédure devant le conseil régional

Le conseil régional dispose d’un délai de deux mois pour statuer à compter de la réception de la demande. Il examine le dossier en formation restreinte et peut soit confirmer le refus, soit annuler la décision du conseil départemental et ordonner l’inscription. La décision du conseil régional doit être notifiée sans délai par lettre recommandée au médecin intéressé, au Conseil national et au directeur de l’ARS.

Le recours devant le Conseil national

La décision du conseil régional est susceptible d’appel dans les 30 jours devant le Conseil national de l’Ordre des médecins, soit par le médecin intéressé, soit par le conseil départemental. Le Conseil national constitue la dernière instance administrative de recours avant la saisine du juge administratif.

Le recours contentieux devant le Conseil d’État

Compétence directe du Conseil d’État

Ainsi, vous l’aurez compris, le décision d’un conseil départemental refusant l’inscription d’un médecin doit, préalablement à l’exercice d’un recours contentieux, faire l’objet d’un double recours administratif devant le conseil régional puis le Conseil national.

Cette procédure a pour effet de laisser aux instances ordinales le soin d’arrêter une position définitive, et seule la décision du Conseil national est susceptible d’être déférée au juge administratif.

Délais et procédure

Le recours devant le Conseil d’État doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du Conseil national. Cette juridiction statue en premier et dernier ressort sur ces contentieux. Ce délai est prévu à l’article  R4112-5-1 du code de la santé publique.

Référé devant le Conseil d’État

En cas d’urgence, le Conseil d’État peut être saisi sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative d’une demande de suspension, même si les recours administratifs n’ont pas encore été épuisés. Voir par exemple : CE, juge des réf., 23 août 2024, n° 496411.

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Sur le même sujet : Refus d’inscription à l’Ordre des pharmaciens – Maître Sarah HANFFOU

Shanffou

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