En théorie, un entretien d’évaluation peut être à l’origine d’un accident de service. Toutefois, il faut établir que le comportement ou les propos la cheffe de service ont excédé l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.
🔷 Faits
Une adjointe administrative de 1ère classe, a été nommée responsable du secrétariat général au service logistique de la marine de Brest à compter du 1er février 2014.
Le 10 févier 2015, elle a été reçue par sa supérieure hiérarchique pour son entretien annuel d’évaluation professionnelle. Le lendemain, Mme A. a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif majeur réactionnel, avec risque suicidaire. Mme A. a alors sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de cet arrêt de travail, lequel a été prolongé jusqu’au 30 septembre 2015.
🔷 Procédure avant la saisine du Conseil d’Etat
La commission de réforme n’a pas suivi l’avis de l’expert psychiatre désigné par le centre ministériel de gestion de Rennes du ministère de la Défense et a émis, le 17 décembre 2015, un avis défavorable à sa demande en estimant que la pathologie de l’intéressée ne présentait « pas de lien direct unique et certain » avec le service. Mme A. a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler le refus d’imputabilité au service de ses arrêts de travail. Ce tribunal a annulé la décision du Ministère des armées. Le jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Nantes.
C’est dans ces circonstances que la ministre des armées a saisi le Conseil d’Etat.
🔷 Droit applicable
Article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, dans sa version applicable au présent litige :
» Le fonctionnaire en activité a droit : (…) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l’avis d’arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l’article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident (…) « .
Rappel :
« Constitue un accident de service, pour l’application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. Sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent ».
L’analyse du Conseil d’Etat:
« pour juger que le ministre de la défense n’avait pu légalement refuser de reconnaître l’imputabilité au service de l’état de santé de Mme A., qui avait justifié des arrêts de travail entre le 11 février et le 30 septembre 2015, la cour administrative d’appel de Nantes a relevé d’une part qu’au cours de l’entretien professionnel qui avait eu lieu le 10 février 2015, la qualité de ses relations avec ses collègues avait été évoquée défavorablement, qu’il lui avait été reproché d’avoir tenu des propos à caractère xénophobe et demandé en conséquence de » ne plus émettre d’observations sur des sujets sociétaux » et d' » observer la neutralité qui s’impose à chacun dans le cadre professionnel « , d’autre part que si sa chef de service indique dans son rapport du 21 mai 2015 être restée calme au cours de cet entretien et avoir conservé un ton mesuré, Mme A. a alors quitté précipitamment cet entretien, qu’elle a produit le lendemain un arrêt de travail de son médecin traitant confirmant l’avoir reçue » en état de choc avec une anxiété généralisée majeure réactionnelle » et qu’un avis d’un expert psychiatre établi au mois de juillet suivant faisait état d’un » tableau anxio-dépressif ayant fait suite au contenu d’un entretien d’évaluation professionnelle à l’origine d’une blessure narcissique. «
En déduisant de ces seules constatations que l’entretien d’évaluation de cet agent était constitutif d’un accident de service, sans relever aucun élément de nature à établir que par son comportement ou par ses propos la cheffe de service qui avait conduit cet entretien aurait excédé l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, la cour administrative d’appel de Nantes a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis .
Pour lire l’arrêt : Conseil d’État, 27 septembre 2021, n°440983
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