
Engager la responsabilité d’un praticien hospitalier répond à des règles spécifiques. Explications.
🔷 Faits
Le 7 octobre 2024, le Tribunal des conflits a statué sur un différend concernant la responsabilité médicale d’un praticien hospitalier exerçant une activité libérale au sein d’un établissement public de santé. L’affaire trouve son origine dans une intervention chirurgicale réalisée en 2011 à l’hôpital Nord de Marseille par un chirurgien orthopédiste. Cette intervention a été mise en cause par le patient qui, plusieurs années plus tard, a dû subir une amputation de la cuisse droite.
Estimant que l’intervention de 2011 avait causé son préjudice, ce patient a engagé une procédure en responsabilité contre l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Cette action a d’abord été engagée devant le juge judiciaire qui s’est déclaré incompétent.
Le tribunal administratif de Marseille, a estimé à l’inverse qu’il résultait des pièces produites par le patient qu’il avait été opéré et suivi dans le cadre de l’activité libérale du chirurgien et a envoyé l’affaire au Tribunal des conflits pour déterminer la juridiction compétente. Cette affaire soulève des questions complexes sur la responsabilité des médecins hospitaliers et sur la distinction entre actes accomplis dans le cadre d’une activité publique et d’une activité libérale.
🔷Droit applicable : Responsabilité du praticien hospitalier et compétence juridictionnelle
Responsabilité des médecins hospitaliers
Aux termes de l’article L. 6154-1 du code de la santé publique dans sa version applicable au litige :
» Dès lors que l’exercice des missions de service public définies à l’article L. 6112-1 dans les conditions prévues à l’article L. 6112-3 n’y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre. »
La responsabilité des médecins dépend du cadre dans lequel leurs actes médicaux sont accomplis :
- Activité publique : Si un praticien agit dans le cadre de ses fonctions hospitalières publiques, les litiges relèvent de la juridiction administrative. L’établissement public est alors tenu responsable des actes réalisés par ses agents, sauf en cas de faute personnelle détachable de l’exercice de leurs fonctions :
« Les fautes commises par un praticien hospitalier à l’occasion d’actes accomplis dans le cadre du service public hospitalier engagent en principe la seule responsabilité du centre hospitalier dont relève ce praticien, qu’il appartient au patient de poursuivre devant la juridiction administrative ».
- Activité libérale : Si l’acte est accompli dans le cadre de l’activité libérale autorisée par l’article L. 6154-1 du Code de la santé publique, la responsabilité est de nature civile, engageant directement le praticien. Les juridictions judiciaires sont compétentes pour ce type de litiges:
« En revanche, les fautes commises par un praticien hospitalier à l’occasion de son activité libérale le sont en dehors de l’exercice de ses fonctions hospitalières et engagent sa seule responsabilité qu’il appartient au patient de poursuivre devant la juridiction judiciaire ».
Jurisprudence applicable
La jurisprudence a toujours insisté sur la séparation nette entre ces deux activités. Dans ce cadre, le juge doit analyser les éléments contractuels et organisationnels pour déterminer la nature de l’acte médical et, par conséquent, la juridiction compétente. La décision du Tribunal des conflits s’inscrit dans cette logique, en apportant une clarification sur les frontières entre ces deux cadres.
🔷 Solution retenue
La décision du Tribunal des conflits
Le Tribunal des conflits a estimé que l’intervention réalisée par le chirurgien relevait de la compétence de la juridiction administrative. Il a fondé sa décision sur plusieurs éléments, notamment sur le fait qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que ce patient aurait formulé expressément et par écrit son choix d’être traité au titre de l’activité libérale du chirurgien .ou qu’il aurait versé directement des honoraires à ce praticien.
En conséquence, il a déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître du litige opposant le patient au praticien.
🔷 Implications pour la responsabilité des médecins
Clarification pour les patients
Cette décision met en lumière l’importance pour les patients d’être informés du cadre dans lequel un acte médical est réalisé. La responsabilité du médecin et le recours juridictionnel dépendent de cette distinction, qui n’est pas toujours claire pour les non-initiés.
Responsabilisation du praticien hospitalier
Les médecins exerçant une activité libérale doivent s’assurer du respect des règles encadrant cette pratique, notamment en matière de transparence avec les patients.
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La décision du Tribunal des conflits du 7 octobre 2024 constitue une clarification importante en matière de responsabilité du praticien hospitalier et de compétence juridictionnelle. En distinguant clairement les actes accomplis dans le cadre de l’activité libérale de ceux réalisés au titre des missions publiques, elle réaffirme l’importance de cette séparation pour déterminer la juridiction compétente.
Pour les patients, cette décision met en lumière la nécessité de comprendre les implications juridiques de leur choix de praticien, notamment en cas de contentieux. Pour les praticiens, elle rappelle l’importance de respecter les règles spécifiques à chaque cadre d’activité et d’assurer une communication claire avec leurs patients.