droit de se taire médecin

Est-ce que le droit de se taire s’applique aux procédures disciplinaires menées à l’encontre des médecins ? Dans un arrêté en date du 25 février 2025, le Conseil d’État répond par l’affirmative. Explications.

🔷 Les faits

Le Conseil départemental de Loire-Atlantique de l’Ordre des médecins avait porté plainte contre un médecin, pour des manquements déontologiques. La chambre disciplinaire de première instance avait rejeté cette plainte en 2021. Toutefois, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, saisie en appel, avait annulé cette décision et infligé un blâme au médecin en novembre 2023. Contestant cette sanction, ce médecin a formé un pourvoi devant le Conseil d’État.

🔷Le droit applicable

L’affaire soulève une question fondamentale de procédure disciplinaire : le droit au silence du professionnel poursuivi. En effet, l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacre le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser.

 ➡️  « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » .

➡️« Ces exigences impliquent qu’une personne faisant l’objet d’une procédure disciplinaire ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’elle soit préalablement informée du droit qu’elle a de se taire. Il en va ainsi, même sans texte, lorsqu’elle est poursuivie devant une juridiction disciplinaire de l’ordre administratif. À ce titre, elle doit être avisée qu’elle dispose de ce droit tant lors de son audition au cours de l’instruction que lors de sa comparution devant la juridiction disciplinaire. En cas d’appel, la personne doit à nouveau recevoir cette information » .

🔷La solution retenue : le droit de se taire s’applique aux procédures disciplinaires menées à l’encontre des médecins

Le Conseil d’État a annulé la sanction de blâme, estimant que la procédure devant la chambre disciplinaire nationale avait été irrégulière. Le médecin n’avait pas été informé de son droit de se taire avant son audition, Par conséquent, l’affaire a été renvoyée devant la chambre disciplinaire nationale pour être rejugée dans le respect de cette garantie procédurale essentielle​:

« Il s’ensuit, d’une part, que la décision de la juridiction disciplinaire est entachée d’irrégularité si la personne poursuivie comparaît à l’audience sans avoir été au préalable informée du droit qu’elle a de se taire, sauf s’il est établi qu’elle n’y a pas tenu de propos susceptibles de lui préjudicier. D’autre part, pour retenir que la personne poursuivie a commis des manquements et lui infliger une sanction, la juridiction disciplinaire ne peut, sans méconnaître les exigences mentionnées aux points 2 et 3, se déterminer en se fondant sur les propos tenus par cette personne lors de son audition pendant l’instruction si elle n’avait pas été préalablement avisée du droit qu’elle avait de se taire à cette occasion »

Dans une affaire similaire, le Conseil d’État a annulé une sanction disciplinaire prononcée contre un pharmacien ayant été interdit d’exercer pendant un an. Ce dernier, accusé de délivrance irrégulière de médicaments, contestait la procédure disciplinaire menée par l’Ordre des pharmaciens. Le Conseil d’État a relevé que le pharmacien n’avait pas été informé de son droit de se taire avant son audition, ce qui constituait une violation de ses droits de la défense. En conséquence, la décision disciplinaire a été annulée et l’affaire renvoyée pour réexamen​.

Pour lire l’arrêt : Conseil d’État, 4ème Chambre, 25 février 2025, 491214

Pour lire l’arrêt concernant les pharmaciens : Conseil d’État, 5ème chambre, 20 février 2025, 498086

Shanffou

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