facturation remplacement infirmier

La facturation des soins infirmiers par les infirmiers remplaçants est régie par des dispositions légales et conventionnelles précises.

Cet article rappelle le cadre juridique applicable aux remplacements et détaille les conditions de facturation dans le cadre des remplacements entre infirmiers.

🔷   Le cadre juridique du remplacement infirmier

Que dit le droit ?

Le remplacement des infirmiers libéraux s’inscrit dans un corpus juridique dense, articulé autour de plusieurs sources normatives complémentaires.

La Convention Nationale des Infirmiers, signée le 22 juin 2007 et modifiée par avenants, précise dans son article 21.2  prévoit l’utilisation de la carte CPS remplaçant :  :

 » La réalisation et l’émission de FSE conformément aux spécifications SESAM-Vitale nécessitent l’utilisation d’une carte de professionnel de santé (CPS).
Dans le cadre de la facturation SESAM-Vitale, l’infirmier remplaçant doit disposer de sa propre carte de professionnel de santé (CPS) dès lors que l’infirmier remplacé est équipé d’un logiciel SESAM-Vitale en version 1.40 addendum 7.

La FSE élaborée à partir du numéro de facturation Assurance Maladie de l’infirmier remplacé permet ainsi d’identifier l’infirmier remplaçant comme exécutant de l’acte conformément à la réglementation. Le coût des cartes de professionnel de santé délivrées dans ce cadre est pris en charge par les caisses, pour la durée de la présente convention. Il en va de même pour les cartes CPS remplaçant dans la limite d’une CPS remplaçant.

De plus, l’article 23.1 de la convention précise les conditions de recours au mode dégradé :

« Article 23.1.1 Procédure exceptionnelle

En cas d’impossibilité de produire des FSE du fait de l’absence, de la non-présentation ou de la défectuosité de la carte d’assurance maladie, l’infirmier réalise une feuille de soins SESAM « dégradé ».

« Article 23.1.2 Transmission des feuilles de soins SESAM « dégradé »

En cas de transmission de feuilles de soins SESAM-Vitale sécurisées en mode « dégradé », y compris hors département, l’infirmier réalise parallèlement aux flux une feuille de soins papier signée par l’assuré qui sera transmise, le cas échéant, via SCOR ».

Ce texte conventionnel s’articule avec les dispositions du Code de la santé publique, notamment les articles R4312-83 à R4312-86, qui précisent les conditions déontologiques du remplacement.

Les conditions préalables au remplacement

L’exercice du remplacement infirmier est soumis à des conditions strictes que les professionnels doivent scrupuleusement respecter. Le remplaçant doit justifier d’une expérience professionnelle minimale de dix-huit mois, soit 2400 heures de temps de travail effectif, acquise dans les six années précédant la demande de remplacement. Cette expérience doit avoir été réalisée dans un établissement de soins, une structure de soins, ou au sein d’un groupement de coopération sanitaire ( article 11 de la convention nationale).

Pour les infirmiers remplaçants non installés, une autorisation de remplacement délivrée par le conseil départemental de l’Ordre des infirmiers est obligatoire. Cette autorisation, valable un an sur tout le territoire national, doit être renouvelée annuellement. Le remplaçant ne peut remplacer simultanément plus de deux infirmiers, y compris dans le cadre d’associations ou de cabinets de groupe

Les modalités de facturation des soins

La facturation des soins par les infirmiers remplaçants suit un processus spécifique qui distingue cette activité de l’exercice en titulaire. Le remplaçant utilise obligatoirement l’équipement SESAM-Vitale de l’infirmier titulaire remplacé pour télétransmettre les feuilles de soins. Cette procédure garantit que les paiements sont effectués sur le compte bancaire de l’infirmier remplacé, qui procède ensuite à la rétrocession des honoraires au remplaçant.

Les obligations déclaratives

Les obligations déclaratives constituent un aspect critique de la facturation des remplaçants. L’infirmier remplacé doit informer sa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du nom du remplaçant, de la durée et des dates de remplacement, ainsi que du numéro d’inscription à l’Ordre des infirmiers.  Cette déclaration permet aux caisses de suivre l’activité et de procéder aux contrôles nécessaires.

🔷  Les obligations et responsabilités des parties

L’obligation d’abstention du remplacé

L’article R4312-84 du Code de la santé publique impose à l’infirmier remplacé une obligation stricte de ne pas travailler pendant toute la période de remplacement Cette disposition légale interdit toute activité professionnelle infirmière, sous réserve des seules hypothèses de non-assistance à personne en péril et de demande de l’autorité en cas d’urgence, de sinistre ou de calamité.

L’article 11 de la Convention Nationale rappelle également les conditions de remplacement.

La jurisprudence disciplinaire sanctionne sévèrement les manquements à cette obligation. L’exercice simultané du remplacé et du remplaçant, hors circonstances exceptionnelles, constitue une faute disciplinaire pouvant entraîner des sanctions allant du blâme à l’interdiction temporaire d’exercer.

Une précision :  la période de la pandémie de Covid-19 avait donné lieu à des assouplissements temporaires de cette règle.

🔷  Les risques encourus et régime des sanctions

La typologie des sanctions

Les infractions aux règles de facturation exposent les infirmiers remplaçants à un éventail large de sanctions, relevant de différentes juridictions. Les sanctions disciplinaires, prononcées par les chambres disciplinaires de l’Ordre des infirmiers, peuvent aller de l’avertissement à la radiation. Les sanctions financières, mises en œuvre par les CPAM, concernent principalement le remboursement des indus avec majoration (  pénalité financière).

Les sanctions pénales demeurent rares mais peuvent intervenir en cas de fraude ou d’escroquerie caractérisée.

L’évolution du régime des indus

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a introduit une modification majeure du régime des indus par l’instauration de l’extrapolation. Cette réforme permet aux CPAM de calculer les indus en extrapolant les résultats de contrôles par échantillon sur l’ensemble de l’activité du professionnel.

Cette possibilité est désormais prévue à l’article L 133-4 du code de la sécurité sociale :

« I.-A.-En cas d’inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation : (…)

l’organisme de prise en charge recouvre l’indu correspondant auprès du professionnel, du distributeur ou de l’établissement à l’origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l’assuré, à un autre professionnel de santé, à un distributeur ou à un établissement. En contrepartie des frais de gestion qu’il engage lorsque l’inobservation des règles constatée est constitutive d’une fraude du professionnel, du distributeur ou de l’établissement, l’organisme d’assurance maladie recouvre auprès de ce dernier une indemnité équivalant à 10 % des sommes réclamées au titre des remboursements intervenus à tort. Cette indemnité est recouvrée dans les mêmes conditions que les indus recouvrés au titre du présent article.(…)

II.-L’indu mentionné au A du I peut, lorsque l’inobservation de ces règles est révélée par l’analyse d’une partie de l’activité du professionnel, du distributeur ou de l’établissement, être fixé forfaitairement, par extrapolation à tout ou partie de l’activité donnant lieu à prise en charge de l’assurance maladie, à l’issue d’une procédure contradictoire entre l’organisme d’assurance maladie chargé du recouvrement de l’indu et ce professionnel, ce distributeur ou cet établissement.(..) »

🔷  A retenir :

La facturation des soins par les infirmiers remplaçants s’inscrit dans un cadre juridique complexe et en constante évolution, nécessitant une vigilance particulière de la part des professionnels. L’analyse du corpus normatif et jurisprudentiel révèle un durcissement progressif du régime de sanctions, illustré notamment par l’introduction de l’extrapolation des indus et l’émergence d’une jurisprudence disciplinaire plus stricte.

Les risques encourus, tant sur le plan disciplinaire que financier, imposent aux infirmiers remplaçants et aux titulaires une approche préventive rigoureuse. La contractualisation soignée du remplacement, le respect scrupuleux des obligations déclaratives, et la formation continue aux évolutions réglementaires constituent autant de leviers de sécurisation indispensables.

La défense des droits des infirmiers libéraux passe désormais par une approche globale intégrant les aspects conventionnels, déontologiques, et contentieux de leur activité, particulièrement dans le contexte sensible du remplacement et de la facturation des soins.

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Shanffou

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