toucher pelvien masseur kinésithérapeute

Un masseur-kinésithérapeute ne peut pas réaliser un acte de toucher pelvien sans prescription médicale et même s’il est également ostéopathe.

🔷 Faits

Un masseur-kinésithérapeute également titulaire du titre d’ostéopathe, a reçu une patiente afin de traiter ses difficultés à concevoir par des manipulations ostéopathiques visant à améliorer la mobilité de l’utérus.

Après des manipulations externes et une séance d’hypnose, il a réalisé sur sa patiente un geste de toucher vaginal à l’origine d’une douleur qui l’a conduite à demander à ce qu’il y mette fin immédiatement.

Par la suite, cette plaignante a fait part de brûlures dans le vagin, d’une incapacité prolongée à avoir des rapports sexuels et d’un traumatisme psychologique.

C’est dans ces circonstances qu’elle a saisi le conseil départemental des Pays-de-la-Loire de l’ordre des masseurs kinésithérapeutes d’une plainte à l’encontre de ce masseur-kinésithérapeute.

Le conseil départemental des Pays-de-la-Loire de l’ordre des masseurs kinésithérapeutes a transmis la plainte à la chambre disciplinaire de première instance de cet ordre. En outre, il a formé une autre plainte à l’encontre du même praticien.

🔷 Procédure

La chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Pays-de-la-Loire a infligé à ce masseur-kinésithérapeute un avertissement.

Ce masseur-kinésithérapeute et le conseil départemental des Pays-de-la-Loire de l’ordre des masseurs kinésithérapeutes ont fait appel de cette décision.

La chambre disciplinaire nationale de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes lui a infligé la sanction de l’interdiction temporaire d’exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant une durée d’un mois, assortie du sursis.

Enfin, le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a décidé de saisir le Conseil d’Etat afin de contester la décision rendue par la chambre disciplinaire nationale. Le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes estimait que la sanction était insuffisante.

🔷 Droit applicable

 Article L. 4321-1 du code de la santé publique  :

« La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement : / 1° Des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne ; / 2° Des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles. (…) Dans l’exercice de son art, seul le masseur-kinésithérapeute est habilité à utiliser les savoirs disciplinaires et les savoir-faire associés d’éducation et de rééducation en masso-kinésithérapie qu’il estime les plus adaptés à la situation et à la personne, dans le respect du code de déontologie précité. / La définition des actes professionnels de masso-kinésithérapie, dont les actes médicaux prescrits par un médecin, est précisée par un décret en Conseil d’Etat, après avis de l’Académie nationale de médecine. Lorsqu’il agit dans un but thérapeutique, le masseur-kinésithérapeute pratique son art sur prescription médicale (…) ».

Article R. 4321-1 du même code :

« La masso-kinésithérapie consiste en des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale, notamment à des fins de rééducation, qui ont pour but de prévenir l’altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu’elles sont altérées, de les rétablir ou d’y suppléer ».

Article R. 4321-3 de ce même code :

« On entend par massage toute manoeuvre externe, réalisée sur les tissus, dans un but thérapeutique ou non, de façon manuelle ou par l’intermédiaire d’appareils autres que les appareils d’électrothérapie, avec ou sans l’aide de produits, qui comporte une mobilisation ou une stimulation méthodique, mécanique ou réflexe de ces tissus ».

Article R. 4321-4 de ce même code :

« On entend par gymnastique médicale la réalisation et la surveillance des actes à visée de rééducation neuromusculaire, corrective ou compensatrice, effectués dans un but thérapeutique ou préventif afin d’éviter la survenue ou l’aggravation d’une affection. Le masseur-kinésithérapeute utilise à cette fin des postures et des actes de mobilisation articulaire passive, active, active aidée ou contre résistance, à l’exception des techniques ergothérapiques ».

 ➡️ Au nombre des traitements de rééducation concernant des séquelles auxquels le masseur kinésithérapeute est habilité à participer sur prescription médicale énumérés par l’article R. 4321-5 du code de la santé publique figure:

«2° (…) c) [la] rééducation périnéo-sphinctérienne dans les domaines urologique, gynécologique et proctologique, y compris du post-partum à compter du quatre-vingt-dixième jour après l’accouchement ».

Article 75 de loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé :

« L’usage professionnel du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l’ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. (…) Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir ».

Article 1er du décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie :

« Les praticiens justifiant d’un titre d’ostéopathe sont autorisés à pratiquer des manipulations ayant pour seul but de prévenir ou de remédier à des troubles fonctionnels du corps humain, à l’exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques ».

Article 3 du même décret :

«  I. – Le praticien justifiant d’un titre d’ostéopathe ne peut effectuer les actes suivants : 1° Manipulations gynéco-obstétricales ; / 2° Touchers pelviens. (…) III. – Les dispositions prévues aux I et au II du présent article ne sont pas applicables aux médecins ni aux autres professionnels de santé lorsqu’ils sont habilités à réaliser ces actes dans le cadre de l’exercice de leur profession de santé et dans le respect des dispositions relatives à leur exercice professionnel ».

🔷 Solution retenue

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle qu’il ne résulte d’aucune des dispositions du code de la santé publique énumérant les actes professionnels de masso-kinésithérapie citées ci-dessus qu’un masseur kinésithérapeute soit habilité à pratiquer sur ses patientes, hors prescription médicale, et quelle que soit la finalité qu’il lui assigne, un geste de toucher pelvien, qui ne constitue notamment ni une manœuvre externe constitutive d’un acte de massage ni un acte de gymnastique médicale.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat rappelle qu’un masseur-kinésithérapeute qui justifie du titre d’ostéopathe n’est autorisé à pratiquer un geste de toucher pelvien que lorsqu’il est habilité à réaliser cet acte dans l’exercice de sa profession de masseur-kinésithérapeute et dans le respect des dispositions relatives à son exercice professionnel à ce titre.

➡️ la seule circonstance que ce geste soit réalisé par des praticiens se prévalant également du titre d’ostéopathe ne peut pas suffire à justifier sa réalisation hors du cadre légal applicable à la masso-kinésithérapie.

Ainsi, le Conseil d’Etat considère que la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a commis deux erreurs:

 

🧿 La chambre disciplinaire nationale avait considéré que le masseur-kinésithérapeute pouvait réaliser cet acte de toucher pelvien en l’absence de prescription médicale. La chambre disciplinaire nationale avait relevé que les actes d’ostéopathie pouvant être pratiqués par les personnes titulaires du titre d’ostéopathe sans prescription médicale

 

=> Or, la chambre disciplinaire nationale aurait du se prononcer sur les actes réalisés par le praticien dans le cadre de l’exercice de sa profession de masseur-kinésithérapeute. Elle ne pouvait pas se fonder sur la circonstance que le toucher pelvien serait réalisé au titre de la pratique de l’ostéopathie, alors que la réalisation de cet acte par un masseur-kinésithérapeute également ostéopathe n’est possible que dans le cadre de l’exercice de la masso-kinésithérapie.

 

🧿 La chambre disciplinaire nationale s’était également fondée sur la circonstance que l’acte en cause était autorisé, dans l’exercice de la masso-kinésithérapie, au motif, selon elle, qu’il avait été réalisé en vue d’une mobilisation à caractère préventif et non thérapeutique.

=> Or, une telle circonstance n’est pas de nature à autoriser un masseur-kinésithérapeute à pratiquer, en l’absence de prescription médicale, un acte de toucher pelvien.

Pour résumer, les conditions sont donc les suivantes:

  1. La réalisation du toucher pelvien par un masseur-kinésithérapeute également ostéopathe n’est possible que dans le cadre de l’exercice de la masso-kinésithérapie.
  2. La réalisation du toucher pelvien par un masseur-kinésithérapeute doit être effectué sur prescription médicale.

C’est au vu de ces éléments que le Conseil d’Etat a annulé la décision rendue par la chambre disciplinaire nationale.

Pour lire l’arrêt : Conseil d’Etat, 4 août 2023, n° 467213

Shanffou

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