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Les chirurgiens-dentistes sont soumis à une obligation préalable d’information des patients sur le tarif des soins.

Un tribunal administratif annule une amende infligée à un chirurgien-dentiste pour défaut de remise d’une note, confirmant que les professionnels de santé dentaire relèvent d’un régime juridique spécifique.

🔷  Faits

Une chirurgien-dentiste exerçant dans les Yvelines a fait l’objet de deux contrôles successifs de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP). Le premier contrôle, effectué le 26 janvier 2021 dans son cabinet dentaire, a donné lieu à un simple avertissement le 12 février suivant.

Lors du second contrôle réalisé le 20 mai 2021, les inspecteurs de la DDPP ont relevé onze manquements concernant l’obligation de remise d’une note aux patients. Ces manquements portaient spécifiquement sur l’absence de délivrance de notes détaillées après réalisation des prestations dentaires et avant paiement des honoraires.

Malgré les observations écrites présentées par la chirurgien-dentiste les 9 septembre et 1er décembre 2021 pour contester ces griefs, le directeur départemental de la protection des populations des Yvelines a maintenu sa position. Par décision du 4 juillet 2022, il a infligé à la praticienne une amende administrative de 1 100 euros pour violation de l’article 1er de l’arrêté n°83-50/A du 3 octobre 1983 relatif à la publicité des prix.

Un titre de perception a été émis le 7 octobre 2022 pour procéder au recouvrement de cette amende. La chirurgien-dentiste a alors formé un recours préalable auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, qui a rejeté sa demande par courrier du 24 octobre 2022. Face à ces refus administratifs, elle a saisi le tribunal administratif de Versailles pour contester cette sanction.

🔷 Droit applicable

Cette affaire met en lumière l’articulation complexe entre deux corpus juridiques distincts régissant l’information sur les prix et les obligations professionnelles des chirurgiens-dentistes concernant la remise d’une note aux patients.

Le régime général du code de la consommation

L’article L. 112-1 du code de la consommation établit le principe général selon lequel:

« Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l’exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l’économie, après consultation du Conseil national de la consommation ».

L’article L. 1111-3 du code de la santé publique prévoit que :

 » Toute personne a droit à une information sur les frais auxquels elle pourrait être exposée à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic et de soins et, le cas échéant, sur les conditions de leur prise en charge et de dispense d’avance des frais »

L’arrêté n°83-50/A du 3 octobre 1983, pris en application de ces dispositions, précise dans son article 1er que :

« toute prestation de service doit faire l’objet, dès qu’elle a été rendue et en tout état de cause avant paiement du prix, de la délivrance d’une note lorsque le prix de la prestation est supérieur ou égal à 25 € (TVA comprise) ».

L’article 5 de ce même arrêté stipule que « le présent arrêté s’applique à tous les services, sauf dispositions particulières à certains d’entre eux », ce qui ouvre la possibilité de régimes dérogatoires pour certaines professions.

Le régime spécifique du code de la santé publique pour les chirurgiens-dentistes

L’article L. 1111-3 du code de la santé publique consacre le droit fondamental de « toute personne à une information sur les frais auxquels elle pourrait être exposée à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic et de soins ».

  ➡️ Cette disposition établit un cadre juridique spécifique pour les relations entre patients et professionnels de santé.

L’article L. 1111-3-2 du même code détaille les modalités concrètes de cette information pour les professionnels de santé exerçant à titre libéral, notamment « par affichage dans les lieux de réception des patients » et « par devis préalable au-delà d’un certain montant ».

Plus spécifiquement pour les chirurgiens-dentistes, l’article R. 4127-240 II du code de la santé publique prévoit qu’ils doivent se conformer aux dispositions des articles L. 1111-3-2 et L. 1111-3-3 et veiller « à l’information préalable du patient sur le montant des honoraires ».

🔷 Solution retenue

Le tribunal administratif de Versailles a annulé intégralement la décision d’amende administrative, le rejet du recours hiérarchique et le titre de perception émis à l’encontre de la chirurgien-dentiste.

Sur l’inapplicabilité du code de la consommation aux chirurgiens-dentistes

Le tribunal administratif a considéré  que :

« par les dispositions des articles L. 1111-3 à L. 1111-3-6 du code de la santé publique, qui régissent le droit à l’information des patients sur les frais auxquels ils sont exposés, le législateur a entendu déroger aux règles du code de la consommation et en particulier à celles prévues à son article L. 112-1».

Cette analyse conduit le juge administratif à conclure que « l’arrêté du 3 octobre 1983 relatif à la publicité des prix de tous les services […] n’est pas applicable aux chirurgiens-dentistes ».

➡️ La relation thérapeutique entre un chirurgien-dentiste et son patient relève ainsi d’un cadre juridique spécifique qui exclut l’application du droit commun de la consommation.

En conséquence :

« Dans ces conditions, en fondant l’amende administrative en litige sur la méconnaissance par Mme A de l’obligation de remise d’une note après réalisation de ses prestations et avant paiement de ses honoraires, prévue par l’article 1er de l’arrêté n°83-50/A du 3 octobre 1983 alors que la requérante n’est pas tenue de se conformer à une telle obligation à l’occasion de ses activités de prévention, de diagnostic et de soins, l’administration a méconnu les dispositions précitées des articles L. 1111-3-2 et L. 1111-3-3 du code de la santé publique ».

 

Sur le respect des obligations spécifiques du code de la santé publique

Le tribunal a implicitement reconnu que la chirurgien-dentiste avait respecté les obligations qui lui incombaient réellement au titre du code de la santé publique. En effet, pour les actes dentaires concernés, l’obligation de remise systématique d’une note après chaque prestation ne figure pas parmi les exigences du régime spécialisé applicable aux professionnels de santé dentaire.

Le code de la santé publique privilégie une approche préventive axée sur l’information préalable du patient (affichage des tarifs, devis pour les dépassements importants) plutôt que sur la remise systématique d’une note a posteriori pour chaque acte. Cette différence d’approche reflète la spécificité de la relation de soins par rapport à une simple relation commerciale.

Sur la spécificité de la profession de chirurgien-dentiste

La décision souligne que les chirurgiens-dentistes bénéficient d’un statut professionnel particulier encadré par des textes spécifiques. Contrairement aux prestataires de services ordinaires, ils sont soumis à des obligations déontologiques strictes en matière d’information des patients.

L’Ordre national des chirurgiens-dentistes veille au respect de ces obligations spécifiques et rappelle régulièrement aux praticiens leurs devoirs en matière d’information tarifaire et de communication avec les patients.

Conséquences de l’annulation

En annulant la décision du 4 juillet 2022, le tribunal a reconnu que l’administration avait commis une erreur de droit en appliquant un régime juridique inadapté à la profession de chirurgien-dentiste.

Le tribunal a également condamné l’État à verser 1 000 euros à la chirurgien-dentiste au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, conformément à l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Cette décision confirme que les chirurgiens-dentistes bénéficient d’un statut juridique particulier qui les distingue des prestataires de services ordinaires, et que leurs obligations en matière d’information tarifaire des patients, y compris concernant la remise d’une note, relèvent du code de la santé publique.

Pour lire le jugement :

Tribunal administratif de Versailles, 6ème chambre, 16 mai 2025, n°2300088

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Shanffou

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