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La décision n° 2024-1106 QPC du Conseil constitutionnel, rendue le 11 octobre 2024, a confirmé la constitutionnalité de l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui impose aux communes d’accorder une protection fonctionnelle à leurs élus locaux en cas de poursuites pénales liées à l’exercice de leurs fonctions.

Cependant, cette décision a également mis en lumière une limite importante : la protection fonctionnelle, bien qu’essentielle, n’est pas reconnue comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR).

Cette distinction soulève des questions sur la portée et les limites de la protection fonctionnelle, ainsi que sur sa place dans l’architecture juridique française.

L’évolution de la protection fonctionnelle est expliquée dans le commentaire de la décision : Commentaire de la décision

🔷 Faits à l’origine de la décision

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la commune d’Istres portait sur la conformité de l’article L. 2123-34 avec les droits et libertés garantis par la Constitution. La disposition imposait aux communes d’assurer la prise en charge des frais de défense des élus locaux poursuivis pénalement, sans étendre le bénéfice de cette protection aux actes intervenant au cours de l’enquête préliminaire :

« La commune requérante reproche à ces dispositions de n’accorder la protection fonctionnelle de la commune à certains élus municipaux que lorsqu’ils font l’objet de poursuites pénales, sans étendre le bénéfice de cette protection aux actes intervenant au cours de l’enquête préliminaire. Il en résulterait, selon elle, une méconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qu’elle demande au Conseil constitutionnel de reconnaître, selon lequel les collectivités publiques seraient tenues d’accorder leur protection aux agents publics mis en cause à raison de faits commis dans l’exercice de leurs fonctions, dès lors qu’il ne s’agit pas de fautes qui en sont détachables » (Décision n° 2024-1106 QPC du 11 octobre 2024 | Conseil constitutionnel)

Le Conseil constitutionnel a rappelé qu’une tradition républicaine ne peut être invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant qu’elle aurait donné naissance à un PFRLR au sens du Préambule de 1946.

Par ailleurs, le Conseil a considéré que si les articles 14 et 15 de la loi du 19 octobre 1946 prévoyaient effectivement une protection pour les fonctionnaires, ces dispositions:  « n’ont toutefois eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe selon lequel la protection fonctionnelle devrait bénéficier à tout agent public mis en cause à raison de faits commis dans l’exercice de ses fonctions, dès lors qu’il ne s’agit pas de fautes détachables, ni, en tout état de cause, à un élu local ».

En conséquence, la protection fonctionnelle ne pouvait pas être érigée en PFRLR​​.

 💡 Néanmoins, le Conseil constitutionnel a laissé la porte ouverte à une évolution législative qui pourrait étendre la protection fonctionnelle des élus à d’autres phases de la procédure pénale:

« Dès lors, s’il serait loisible au législateur d’étendre la protection fonctionnelle bénéficiant aux élus municipaux à d’autres actes de la procédure pénale, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi ».

Une telle évolution nécessiterait toutefois une intervention du législateur, le juge constitutionnel s’étant contenté de valider l’état actuel du droit sans imposer de modification.

🔷  Qu’est-ce qu’un PFRLR ?

Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) constituent des normes juridiques de rang constitutionnel que le Conseil constitutionnel français identifie et consacre progressivement à travers sa jurisprudence

Les PFRLR s’inscrivent dans le cadre plus large du bloc de constitutionnalité, concept théorisé par Louis Favoreu, qui rassemble l’ensemble des normes juridiques bénéficiant d’une valeur constitutionnelle. Ce bloc constitue la référence normative suprême utilisée par le Conseil constitutionnel lorsqu’il examine la conformité des lois à la Constitution.

L’émergence de la notion de PFRLR  remonte au Préambule de la Constitution de 1946. Ce texte proclame solennellement que « le peuple français […] réaffirme […] les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », sans toutefois procéder à leur énumération ni à leur définition précise.

Cette référence abstraite est demeurée largement théorique pendant un quart de siècle, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel lui donne corps et substance. L’étape décisive intervient avec la célèbre décision « Liberté d’association » du 16 juillet 1971, par laquelle le Conseil Constitutionnel reconnaît pour la première fois un principe fondamental : celui de la liberté d’association, fondé sur la loi du 1er juillet 1901.

 

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La décision n° 2024-1106 QPC du Conseil constitutionnel souligne que la protection fonctionnelle, bien qu’essentielle, n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Dans un contexte où les responsabilités des élus s’intensifient, il est crucial d’assurer un équilibre entre leurs droits, les contraintes des collectivités, et les attentes des citoyens. La protection fonctionnelle, bien qu’imparfaite, reste une réponse clé à ces enjeux.

Pour lire la décision :

Décision n° 2024-1106 QPC du 11 octobre 2024

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Shanffou

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