L’indemnisation dans le cadre du DALO fait l’objet d’une procédure spécifique.
En effet, si la Commission de Médiation (COMED) reconnaît qu’une personne est prioritaire pour un logement social (DALO), mais qu’aucune offre de logement ou d’hébergement n’est faite dans les délais, il existe deux recours possibles :
1. Le recours en injonction permet d’obtenir une décision du tribunal administratif pour qu’il soit enjoint au Préfet d’attribuer un logement ou un hébergement ;
2. Le recours indemnitaire permet d’obtenir une indemnisation pour le préjudice causé par la carence de l’État, c’est-à-dire le retard ou le défaut d’exécution de la décision de la COMED.
Nous vous présentons ici le recours indemnitaire.
🔷Le recours indemnitaire en cas de carence de l’État dans le cadre du DALO
Le recours indemnitaire vise à compenser le préjudice subi en raison de la carence de l’État à mettre en œuvre la décision de la COMED. Il fonctionne de manière similaire au recours indemnitaire classique de droit administratif.
– Demande préalable : Avant de saisir le tribunal administratif, il faut d’abord demander une indemnisation au préfet. Si aucune réponse n’est donnée dans un délai de 2 mois, cette absence de réponse est considérée comme un refus implicite et vous pouvez alors saisir le tribunal administratif (L. 231-4 du Code des relations entre le public et l’administration, et articles R. 421-1 et R. 421-2 CJA).
– Composition du foyer : Seul le demandeur peut être indemnisé, mais l’indemnisation prendra en compte le nombre de personnes composant le foyer, y compris les enfants nés après la décision de la COMED (CE, Décision n° 421189 du 24/07/2019)
– Référé indemnitaire : Il est possible de demander une indemnisation en urgence en référé si le préjudice est urgent (CE, Décision n°405984 du 26/10/2017).
➡️Le recours indemnitaire peut être exercé sans avoir besoin d’un recours en injonction préalable (CE, Décision n°407123 du 10/08/2017). Il peut être exercé en parallèle du recours DALO injonction.
➡️Même dans le cas où il y aurait eu un premier recours en injonction resté sans effet, le recours indemnitaire ne peut contenir un deuxième recours visant à obtenir une nouvelle injonction et une majoration de l’astreinte. Pas de panique : en cas de double requête, le juge doit inviter le demandeur à régulariser (CE, Décisions n°437799 du 2/04/21 / 341269 du 28/03/2013).
🔷 L’indemnisation dans le cadre du DALO
L’indemnisation est accordée dès lors que le demandeur peut prouver qu’il a subi un préjudice en raison du retard ou du manque de mise en œuvre de la décision de la COMED. Par exemple, si ses conditions de vie se sont détériorées à cause de l’absence de logement.
Toutefois, si le demandeur est reconnu prioritaire uniquement à cause d’un délai trop long et que son logement actuel est jugé suffisamment adapté à ses besoins, le juge peut refuser l’indemnisation (CE, Décisions n°474479 du 07/06/24 / n°472920 du 27/12/23).
Si le juge a des doutes sur les déclarations du demandeur concernant ses conditions de logement, il doit utiliser ses pouvoirs d’instruction pour vérifier la situation avant de rejeter la demande d’indemnisation (CE, Décision n°411064 du 21/12/2018).
En cas de refus de logement par le prioritaire DALO sans motif légitime, l’État est libéré de toute responsabilité à compter de la date de l’offre (CE, Décision n°393117 du 31/05/2017).
🔷La période indemnisable
L’indemnisation couvre toute la période pendant laquelle le demandeur est resté dans une situation nécessitant un relogement, depuis la décision favorable de la COMED, et ce jusqu’à ce qu’un logement ou une solution de relogement soit trouvé.
Quelques précisions supplémentaires sur la période indemnisables :
Indemnisation jusqu’au relogement : L’indemnisation doit couvrir toute la période jusqu’à ce qu’un logement soit effectivement attribué, ou jusqu’à la date de l’audience si le relogement n’est pas encore intervenu (CE, Décisions n°414709 du 28/03/2019 et n°411034 du 11/10/2018).
Même si un logement a finalement été attribué, la période précédant le relogement reste indemnisable si la situation qui avait justifié la décision de la COMED a perduré et a été à l’origine de troubles dans les conditions d’existence du Demandeur (CE, Décisions n°409739 du 21/02/2018 / 404965 du 26/10/2017).
Annulation de la décision de la COMED à la suite d’un REP : Si la COMED a pris une décision défavorable, et que celle-ci est annulée par le juge administratif saisi d’un recours en excès de pouvoir (REP), l’indemnisation commence à partir de la date où la décision de la COMED aurait dû être favorable, comme si la demande avait été acceptée dès le départ (CE, Décision n°464630 du 27/04/2023).
🔷Exemples de situations où le droit à l’indemnisation perdure malgré un relogement
La carence (et le droit à indemnisation) perdure tant que le demandeur reste dans une situation relevant du DALO.
- Ainsi, une personne désignée prioritaire au motif qu’elle était hébergée chez un tiers, et qui se trouve aujourd’hui à l’hôtel, reste dans la situation qui avait motivé la décision de la COMED (CE, Décision n°409982 du 21/02/2018).
- C’est aussi le cas d’une personne qui s’est relogée dans un logement inadapté, y compris à ses capacités financières (CE, Décision n°405766 du 21/02/2018 et Décision n°445630 du 15/12/21).
- La carence ne cesse pas lorsque le demandeur, prioritaire pour un logement, est accueilli en logement de transition : Le demandeur continue de subir un préjudice, y compris si les caractéristiques physiques du logement de transition ne sont pas inadaptées (CE, Décisions n°413037 du 26/07/2018 / n° 409171 du 21/02/2018).
En définitive, la fin de l’urgence ne peut conduire à rejeter l’indemnisation que si elle est intervenue avant l’expiration du délai de relogement (CE, Décision n°406788 du 18/05/18).
🔷Fixation du montant de l’indemnisation
Saisi en cassation, le Conseil d’État renvoie souvent vers le tribunal administratif pour fixer le montant de l’indemnisation. Il casse cependant les indemnisations de montant symbolique (CE, décisions n° 424660 du 27/03/2020 / n°421077 du 8/07/2019).
Lorsqu’il fixe lui-même le montant d’indemnisation, le Conseil d’État le chiffre généralement à 250€ par an et par personne composant le foyer (Décisions n°422023 du 23/10/2019 / n°419366 et 421189 du 24/07/2019).
🔷Conclusion
Le recours indemnitaire permet aux personnes reconnues prioritaires DALO d’obtenir une compensation financière pour le préjudice subi à cause du retard ou de la carence de l’État dans l’attribution d’un logement. Ce recours peut être complémentaire à un recours en injonction si nécessaire.
Par Maître Hanffou, avocate au barreau de Toulon, et Lorraine Dumont, élève-avocate.
***
Sur le même sujet :
DAHO : Le droit à l’hébergement opposable