pénalité financière infirmier

Les professionnels de santé libéraux, notamment les infirmiers, font régulièrement l’objet de contrôles de la part des organismes de sécurité sociale. Lorsque des irrégularités sont constatées dans leur facturation, ils peuvent se voir infliger des pénalités financières substantielles. La question de la proportionnalité de ces sanctions constitue un enjeu majeur pour la profession. Une récente décision du tribunal judiciaire de Nanterre illustre parfaitement les enjeux juridiques entourant l’application de ces pénalités financières et leur contrôle juridictionnel. Cette affaire met en lumière les critères d’appréciation retenus par les juges pour évaluer le caractère proportionné d’une pénalité financière de 33.620 euros.

🔷 Faits

Une infirmière libérale a fait l’objet d’un contrôle approfondi de son activité professionnelle par les services de la CPAM des Hauts-de-Seine. Ce contrôle portait sur des actes effectués entre le 23 août 2015 et le 15 mars 2018, présentés au remboursement entre le 4 mars 2016 et le 22 mars 2018. Les investigations ont révélé des anomalies dans la facturation concernant 20 patients.

La procédure administrative s’est déroulée selon un calendrier précis. Le 8 juin 2018, la CPAM a transmis à la professionnelle un tableau détaillé des anomalies constatées. Après réception des observations de l’infirmière le 20 juillet 2018, l’organisme a notifié un indu de 107.771,19. Parallèlement, une procédure de pénalité financière a été engagée le 27 septembre 2018.

La commission de recours amiable, saisie le 9 novembre 2018, a rejeté la contestation de l’indu par décision du 6 février 2019. Une pénalité financière de 33.620 euros a été notifiée le 20 décembre 2018. L’infirmière a alors engagé deux procédures distinctes : l’une pour contester l’indu, l’autre pour contester la pénalité financière.

Le jugement du 5 septembre 2022 a confirmé le bien-fondé de la créance de 107.771,19 euros, décision devenue définitive faute d’appel. La seconde procédure, relative à la pénalité financière, a fait l’objet du jugement du 7 mai 2025 que nous analysons.

Les anomalies relevées par la CPAM concernaient plusieurs types d’irrégularités :

  • des facturations d’actes non cumulables,
  • la surcotation d’actes médicaux infirmiers,
  • la facturation d’un nombre de majorations supérieur à celui autorisé.

Ces manquements, répétés sur une période de près de trois ans, ont conduit la CPAM  à considérer qu’ils traduisaient un manquement grave aux obligations professionnelles.

L’importance du montant de l’indu, dépassant les 100.000 euros, témoigne de l’ampleur des irrégularités constatées. Cette situation illustre les risques financiers considérables auxquels s’exposent les professionnels de santé en cas de non-respect des règles de facturation, particulièrement dans un contexte où les contrôles se multiplient et se renforcent.

  🔷 Droit applicable aux pénalités financières

Le régime juridique des pénalités financières en matière de protection sociale repose sur un dispositif législatif et réglementaire précis. L’article L114-17-1 du Code de la sécurité sociale constitue le fondement légal de ces sanctions. Ce texte prévoit que peuvent faire l’objet d’une pénalité les professionnels de santé ayant commis une inobservation des règles ayant abouti à une demande, prise en charge ou versement indu.

La procédure de pénalité financière obéit à des règles strictes qui sont différentes de la procédure relative à la notification des indus. Le directeur de l’organisme doit notifier les faits reprochés pour permettre à l’intéressé de présenter ses observations. Une commission spécialisée, composée notamment de représentants de la profession concernée, doit être consultée. Cette commission apprécie la responsabilité de la personne et propose le montant de la pénalité.

L’article R147-2 du même code précise les modalités procédurales. La notification des griefs doit intervenir par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa réception. L’intéressé dispose d’un délai d’un mois pour demander à être entendu ou présenter des observations écrites. La commission doit rendre un avis motivé dans un délai maximum de deux mois.

Une particularité importante réside dans l’exigence d’un avis conforme du directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie.

Concernant le montant des pénalités, l’article R147-8-1 du Code de la sécurité sociale fixe un plafond à 50% des sommes indûment perçues pour les faits ne relevant pas de la fraude.

🔷 Solution retenue par le tribunal judiciaire

Le tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté l’ensemble des moyens soulevés par l’infirmière et confirmé le bien-fondé de la pénalité financière. Cette décision s’articule autour de trois axes principaux : la régularité de la procédure, le respect du contradictoire et la proportionnalité de la sanction.

Validation de la régularité de la procédure

Le tribunal a écarté les critiques relatives à l’absence de motivation de la décision. Les juges ont considéré que la notification du 20 décembre 2018 contenait une motivation suffisante, précisant que le montant avait été fixé « au regard de la matérialité des faits reprochés et du préjudice qui en a découlé pour la CPAM ».

Le tribunal a également validé la procédure de saisine du directeur général de l’UNCAM. La production d’une fiche informatique du logiciel OG3S, mentionnant les dates de transmission et de réponse, a été jugée probante.

Confirmation du bien-fondé de la pénalité financière

L’analyse du bien-fondé de la pénalité financière constitue le cœur de la décision. Le tribunal a rappelé qu’il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale d’apprécier l’adéquation de la sanction à la gravité de l’infraction commise.

Les juges ont souligné que l’indu de 107.771,19 euros était définitivement établi par le jugement du 5 septembre 2022. Cet indu résultait de « facturations d’actes non cumulables, de surcotation d’actes médicaux infirmiers et de facturation d’un nombre de majorations supérieur à celui autorisé ». Ces manquements traduisaient « un manquement grave aux obligations professionnelles » et avaient causé « un préjudice particulièrement important à la CPAM ».

Le tribunal a particulièrement insisté sur le caractère répétitif des infractions et l’expérience professionnelle de l’infirmière, qui avait reçu des formations aux règles de facturation. Ces éléments révélaient selon les juges une intentionnalité justifiant la pénalité financière.

Appréciation de la proportionnalité de la sanction

La question de la proportionnalité pénalité financière a fait l’objet d’une analyse approfondie. le tribunal a rappelé :

« qu’il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale d’apprécier l’adéquation de la sanction à la gravité de l’infraction commise ».

Le tribunal a relevé que la pénalité de 33.620 euros était inférieure au montant maximal autorisé, qui s’élevait à 53.885 euros (50% de l’indu). Cette modération dans l’application de la sanction témoigne d’une prise en compte des circonstances particulières de l’affaire.

Les juges ont considéré que:

« la pénalité financière prononcée s’avère bien fondée en son principe et dans son montant, cette somme étant proportionnée à la gravité des manquements commis par la professionnelle de santé ».

Cette appréciation repose sur plusieurs critères : l’importance du préjudice financier, le caractère répétitif des manquements, l’expérience professionnelle de l’intéressée et la formation reçue.

Cette décision illustre l’approche pragmatique des tribunaux en matière de proportionnalité des pénalités financières. Les juges ne se contentent pas d’une analyse purement arithmétique mais procèdent à une évaluation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

L’analyse de la proportionnalité révèle également que les tribunaux accordent une importance particulière à la formation et à l’expérience des professionnels de santé. Plus un professionnel est expérimenté et formé, plus la tolérance des juges diminue face aux manquements constatés.

 💡 Enseignements pour les infirmiers

Cette décision apporte plusieurs enseignements précieux pour les infirmiers libéraux. Elle confirme que les tribunaux adoptent une approche rigoureuse dans l’appréciation des pénalités financières, mais qu’ils veillent également au respect de la proportionnalité. La formation continue et la mise à jour des connaissances en matière de facturation constituent des éléments déterminants dans l’appréciation de la responsabilité professionnelle.

La décision souligne également l’importance de la régularité procédurale. Les professionnels de santé doivent être vigilants quant au respect de leurs droits de la défense et ne pas hésiter à contester les procédures irrégulières. Cependant, ils doivent également être conscients que les tribunaux acceptent des modes de preuve modernisés, adaptés aux outils informatiques utilisés par les administrations.

Pour lire le jugement : TJ Nanterre, ctx protection soc., 7 mai 2025, n° 22-01397

Sur le même sujet : Contester une pénalité financière prononcée par la CPAM 

Shanffou

Partage cet article