
La question de la communication du dossier médical est centrale pour tout fonctionnaire confronté à une procédure administrative impactant sa carrière ou sa santé. L’accès à l’intégralité de son dossier médical conditionne la possibilité de faire valoir ses droits, notamment lors d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) ou d’une contestation d’une décision administrative. Pourtant, l’administration oppose parfois des refus ou des communications partielles, générant incompréhension et contentieux.
À travers l’analyse d’une décision récente du Conseil d’État, nous revenons sur les droits du fonctionnaire en matière de communication du dossier médical, les obligations de l’administration et les recours possibles en cas de difficulté.
🔷 Faits
La communication du dossier médical d’un fonctionnaire n’est pas un simple droit théorique : elle conditionne la capacité de l’agent à se défendre efficacement face à l’administration. L’affaire commentée illustre parfaitement les difficultés rencontrées par les agents publics dans l’exercice de ce droit.
En 2021, un brigadier de la police nationale, confronté à des arrêts maladie répétés pour syndrome dépressif, sollicite un CITIS. Dans le cadre de l’examen de sa demande, le comité médical doit se prononcer. L’agent adresse alors au préfet une demande de communication de la copie intégrale de son dossier médical, détenu par l’administration. Cette démarche est essentielle : sans accès à l’ensemble des pièces médicales, il lui est impossible de vérifier les éléments pris en compte par le comité médical et de préparer une éventuelle contestation.
Malgré cette demande, l’administration ne répond pas. Le silence gardé vaut décision implicite de rejet. L’agent saisit alors la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui rend un avis favorable à la communication du dossier médical. Pourtant, l’administration persiste dans son refus.
Face à cette inertie, le fonctionnaire saisit le tribunal administratif, demandant l’annulation du refus implicite, la communication effective du dossier médical et une indemnisation pour préjudice moral. Au cours de la procédure, l’administration finit par transmettre partiellement le dossier médical, mais l’agent ne se présente pas à deux convocations pour consultation sur place. Le tribunal administratif constate alors un non-lieu à statuer sur la demande d’annulation, considérant que la communication a été satisfaite, et rejette la demande indemnitaire.
L’agent forme un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. Il soutient que la communication du dossier médical reste incomplète et que l’administration n’a pas respecté ses obligations. L’administration, de son côté, affirme avoir transmis l’ensemble des pièces en sa possession. Entre-temps, la copie intégrale du dossier médical est finalement communiquée à l’agent, y compris les pièces complémentaires sollicitées. Le litige se recentre alors sur la question de l’indemnisation du préjudice moral et des frais de justice.
💡Cette affaire met en lumière la complexité des démarches à entreprendre pour obtenir la communication du dossier médical, la lenteur administrative, et l’importance de respecter scrupuleusement les procédures, tant pour l’agent que pour l’administration.
🔷 Droit applicable
Le droit à la communication du dossier médical pour les fonctionnaires repose sur plusieurs textes fondamentaux et une jurisprudence constante.
Le principal fondement juridique est l’article L. 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui consacre le droit d’accès aux documents administratifs:
« Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ».
➡️ Le dossier médical détenu par l’administration entre dans le champ de ce droit, sous réserve du respect du secret médical et de la protection de la vie privée. L’administration ne peut s’opposer à la communication du dossier médical que pour des motifs légitimes, strictement encadrés.
En cas de refus, explicite ou implicite, de communication du dossier médical, le fonctionnaire peut saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). L’avis de la CADA, bien que consultatif, oriente l’administration sur l’opportunité de communiquer le document. En pratique, un avis favorable de la CADA est généralement suivi par l’administration, mais il arrive que celle-ci persiste dans son refus, ce qui ouvre la voie à un contentieux devant le juge administratif.
🔷Solution retenue
L’arrêt du Conseil d’État du 23 juillet 2025 apporte des enseignements précieux pour les fonctionnaires et leurs conseils.
Constatant que, postérieurement à l’introduction du pourvoi, l’administration avait communiqué l’intégralité du dossier médical au fonctionnaire, y compris les pièces complémentaires sollicitées, le Conseil d’État prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à l’annulation de la décision de refus et à l’injonction de communication. Autrement dit, dès lors que l’administration a satisfait à son obligation, le litige sur la communication du dossier médical devient sans objet.
S’agissant de la demande indemnitaire, le Conseil d’Etat relève que le fonctionnaire n’avait pas adressé de demande préalable à l’administration, condition indispensable à la recevabilité d’une telle action. Ce motif justifie le rejet des conclusions indemnitaires. Le Conseil d’État rappelle ainsi avec force l’importance de respecter la procédure préalable avant de saisir le juge administratif d’une demande d’indemnisation. Cette exigence, souvent négligée, est pourtant incontournable : sans réclamation préalable, aucune indemnisation ne peut être obtenue, même en cas de faute avérée de l’administration.
Cette décision est riche d’enseignements pour les fonctionnaires :
✅ L’administration a l’obligation de communiquer, de manière exhaustive et dans des délais raisonnables, le dossier médical à l’agent qui en fait la demande, sous le contrôle du juge et de la CADA.
✅ En cas de refus ou de communication partielle, il est essentiel de saisir la CADA, puis, si nécessaire, le juge administratif.
✅ Toute demande d’indemnisation pour préjudice moral ou matériel doit impérativement être précédée d’une réclamation préalable auprès de l’administration, sous peine d’irrecevabilité.
✅ Il est recommandé de conserver la preuve de toutes les démarches effectuées (demandes écrites, accusés de réception, avis de la CADA, etc.), afin de sécuriser ses droits en cas de contentieux.
Références : Conseil d’État, 10ème chambre, 23 juillet 2025, n° 495807
Sur le même sujet : Refus de communication de documents administratifs
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