prescription rectificative infirmier

La prescription rectificative est parfois utilisée par les infirmiers libéraux pour pallier une prescription médicale initialement imprécise, notamment dans le cadre de soins techniques comme les pansements lourds (AMI 4). Cette pratique peut, en cas de contrôle par la caisse d’assurance maladie (CPAM), exposer le professionnel à un indu, voire à une pénalité financière, lorsque les prescriptions ne sont pas jugées conformes à la NGAP.

La question qui se pose est la suivante : une prescription postérieure aux soins suffit-elle à régulariser une situation litigieuse ? Certaines décisions récentes rappellent que seule une prescription initiale qualitative et quantitative peut légitimer la prise en charge d’un acte par l’assurance maladie.  Explications 👇

 🔷 Faits

Dans le cadre d’un contrôle réalisé par la caisse d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, une infirmière libérale s’est vu notifier un indu d’un montant de 54 574,14 €, ainsi qu’une pénalité financière fondée sur l’article L114-17-1 du Code de la sécurité sociale. Le contrôle visait à vérifier la conformité des actes infirmiers facturés, en particulier la cotation de pansements lourds et complexes (AMI 4).

L’infirmière avait initialement réalisé des soins sur la base de prescriptions médicales jugées imprécises, ne permettant pas d’identifier avec suffisamment de clarté la nature des soins attendus. Pour répondre aux observations de la caisse, elle a produit, après l’exécution des actes, des prescriptions rectificatives établies par le médecin prescripteur, venant préciser les soins effectivement réalisés. Cette démarche visait à régulariser la cotation litigieuse.

La caisse d’assurance maladie a toutefois considéré que ces prescriptions a posteriori ne permettaient pas de justifier la conformité des actes au regard de la NGAP. Elle a donc maintenu la procédure d’indu et de pénalité financière.

L’infirmière a contesté l’indu devant la commission de recours amiable, puis a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre pour contester à la fois la pénalité financière et l’indu.

Le tribunal a donc été amené à se prononcer sur la recevabilité et l’efficacité de la prescription rectificative dans le cadre d’une procédure d’indu et de pénalité financière, en tenant compte des exigences de la NGAP et des règles de facturation applicables aux infirmiers libéraux.

 🔷 Droit applicable

  • Fondement juridique du contrôle et de l’indu

L’article L133-4 du code de la sécurité sociale permet à la CPAM d’exiger la restitution des sommes indûment versées aux professionnels de santé, en cas de non-respect des règles de facturation. Cette disposition fonde les pouvoirs de contrôle de la CPAM, lesquels s’exercent dans un cadre contradictoire et respectueux des droits de la défense.

Par ailleurs, l’article L114-17-1 autorise la caisse à prononcer une pénalité financière proportionnée à la gravité du manquement, indépendamment de la restitution de l’indu.

  • Exigences de la NGAP en matière de prescription

L’un des principes fondamentaux de la NGAP est l’exigence d’une prescription médicale préalable, écrite, qualitative et quantitative pour chaque acte effectué par un auxiliaire médical. Cette exigence vise à garantir que seuls les actes objectivement nécessaires et dûment prescrits sont remboursés par l’assurance maladie.

L‘article 5 de la NGAP indique :

« Seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d’Assurance Maladie, sous réserve que les personnes qui les exécutent soient en règle vis-à-vis des dispositions législatives, réglementaires et disciplinaires concernant l’exercice de leur profession :

(…)

c) les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve qu’ils aient fait l’objet d’une prescription médicale écrite qualitative et quantitative (sauf dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires) et qu’ils soient de sa compétence ».

  • Prescription rectificative : portée et limites juridiques

La prescription rectificative, entendue comme une ordonnance complémentaire ou modificative émise a posteriori, soulève un problème central en droit de la sécurité sociale : peut-elle régulariser une prescription initialement non conforme au moment de l’exécution de l’acte ?

La jurisprudence considère de manière constante que la date et le contenu de la prescription initiale sont déterminants. Une prescription rectificative ne peut valider rétroactivement un acte réalisé en dehors des conditions requises. Elle peut, à la rigueur, être admise lorsqu’elle intervient avant la réalisation effective du soin, ou dans le cadre d’un échange clair et documenté entre le prescripteur et l’infirmier sur la nature du soin à effectuer.

Toutefois, une prescription postérieure au soin, émise à la seule demande de l’infirmier dans un but de régularisation, est en principe dépourvue de valeur probante, car elle ne permet pas d’établir que l’acte a été effectué sur instruction médicale valable au moment des soins.

🔷  Solution retenue

Le Tribunal judiciaire de Nanterre, dans sa décision du 3 mars 2025, a écarté la valeur probante des prescriptions rectificatives produites par l’infirmière, en rappelant que celles-ci n’étaient ni antérieures ni concomitantes à l’exécution des soins. Il a considéré qu’il appartenait à l’infirmière, face à une prescription insuffisamment précise, de solliciter une clarification immédiate du médecin avant d’exécuter les actes litigieux :

« Madame [J] invoque une prescription rectificative qui aurait été émise par le médecin auteur de la prescription initiale en date du 5 mars 2019. Toutefois, comme il a été indiqué précédemment, il appartenait à Madame [J] de faire préciser préalablement par le médecin la nature des soins à réaliser, de sorte que cette seconde prescription ne peut être utilement invoquée ».

« Toutefois, comme dans le cas de Madame [B] précédemment examiné, la nécessité de cette asepsie rigoureuse n’est pas suffisante à fonder la cotation en AMI 4 et, faute pour Madame [J] de démontrer que cette prescription correspond à l’un des cas limitativement prévus de l’article 3 du titre XVI chapitre I de la [18], relatif aux pansements lourds et complexes, cette prétention sera écartée ».

« Toutefois, la prescription du 26 septembre 2018 ne prévoyant aucun pansement lourd et complexe et la requérante ne pouvant utilement invoquer un certificat postérieur, cet indu sera retenu par le tribunal ».

Le tribunal a donc jugé que les soins facturés ne répondaient pas aux exigences de la NGAP, et que la facturation en AMI 4 était injustifiée. Il a confirmé le bien-fondé de l’indu, ramené à 54 222,62 €, et a infligé une pénalité financière de 27 111,31 €, soit 50 % du montant de l’indu, en application de l’article L114-17-1 du Code de la sécurité sociale.

Enfin, le tribunal a précisé que la procédure de pénalité financière est autonome, et peut être engagée même si l’indu est contesté, dès lors que l’infirmier a pu faire valoir ses droits devant les juridictions compétentes.

 💡  Cette décision met en lumière l’importance, pour les infirmiers, de veiller à la conformité des prescriptions médicales avant la réalisation des soins et la facturation des actes. La prescription rectificative ne saurait suppléer une prescription initialement défaillante ou imprécise. Il est donc essentiel, en cas de doute, de solliciter une clarification écrite du médecin prescripteur avant d’engager les soins, afin d’éviter tout risque d’indu et de pénalité financière.

✅  Seule une prescription initiale conforme, qualitative et quantitative, permet de sécuriser la facturation des actes et d’éviter les risques d’indu et de pénalité financière.

✅Lorsqu’une prescription médicale ne précise pas suffisamment la nature ou le niveau de complexité des soins à réaliser, il est fortement recommandé à l’infirmier de solliciter une clarification écrite préalable auprès du médecin prescripteur, avant d’exécuter l’acte concerné. Cette précaution, bien qu’elle puisse sembler contraignante dans le rythme du quotidien, constitue un levier de protection essentiel en cas de contrôle.

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A retenir

Trois points de vigilance à retenir sur la prescription rectificative infirmier

1. La prescription rectificative n’est pas la solution
Une prescription rectificative infirmier ne peut pas être considérée comme un outil de régularisation systématique. Elle ne garantit pas, à elle seule, la conformité de la facturation en cas de contrôle.

2. En cas de prescription imprécise, demandez une clarification préalable
Dès lors que la prescription initiale manque de précision (ex. : type de pansement, fréquence, durée), il est indispensable de solliciter par écrit une précision du médecin avant tout acte infirmier. Cette démarche protège juridiquement votre exercice.

3. Une facturation sans prescription claire expose à un risque contentieux
Facturer sur la base d’une ordonnance ambiguë ou incomplète, même accompagnée d’un document rectificatif postérieur, peut entraîner un indu CPAM et une pénalité financière. Votre sécurité juridique passe par une vérification rigoureuse des prescriptions en amont.

➡️   Pour lire le jugement : Tribunal judiciaire de Nanterre, 3 mars 2025, 21/01548

Shanffou

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