préjudice d'anxiété amiante
Les faits

Un marin a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l’Etat, en tant qu’employeur, à lui verser les sommes de 15 000 et 12 000 euros en réparation respectivement du préjudice moral et des troubles causés dans ses conditions d’existence par son exposition à l’inhalation de poussières d’amiante tout au long de sa carrière dans la Marine nationale.

Par un jugement n° 1701277 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné l’Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus de ses conclusions. Ce montant a été confirmé en appel.

La ministre des armées a alors saisi le Conseil d’Etat.

Le droit

La personne qui recherche la responsabilité d’une personne publique en sa qualité d’employeur et qui fait état d’éléments personnels et circonstanciés de nature à établir une exposition effective aux poussières d’amiante susceptible de l’exposer à un risque élevé de développer une pathologie grave et de voir, par là même, son espérance de vie diminuée, peut obtenir réparation du préjudice moral tenant à l’anxiété de voir ce risque se réaliser. Dès lors qu’elle établit que l’éventualité de la réalisation de ce risque est suffisamment élevée et que ses effets sont suffisamment graves, la personne a droit à l’indemnisation de ce préjudice, sans avoir à apporter la preuve de manifestations de troubles psychologiques engendrés par la conscience de ce risque élevé de développer une pathologie grave.

Les personnes qui justifient avoir été, dans l’exercice de leurs fonctions, conduites à intervenir sur des matériaux contenant de l’amiante et, par suite, directement exposées à respirer des quantités importantes de poussières issues de ces matériaux doivent ainsi être regardées comme faisant état d’éléments personnels et circonstanciés de nature à établir qu’elles ont été exposées à un risque élevé de pathologie grave et de diminution de leur espérance de vie.

​​​​​​​Doivent également être regardés comme justifiant d’un préjudice d’anxiété indemnisable, eu égard à la spécificité de leur situation, les marins qui, sans intervenir directement sur des matériaux amiantés, établissent avoir, pendant une durée significativement longue, exercé leurs fonctions et vécu, de nuit comme de jour, dans un espace clos et confiné comportant des matériaux composés d’amiante, sans pouvoir, en raison de l’état de ces matériaux et des conditions de ventilation des locaux, échapper au risque de respirer une quantité importante de poussières d’amiante.

Les personnes qui sont intégrées, compte tenu d’éléments personnels et circonstanciés tenant à des conditions de temps, de lieu et d’activité, dans le dispositif d’allocation spécifique de cessation anticipée d’activité, désormais régi par la loi du 29 décembre 2015, lequel vise à compenser un risque élevé de baisse d’espérance de vie des personnels ayant été effectivement exposés à l’amiante, doivent, de même, être regardées comme justifiant de ce seul fait d’un préjudice d’anxiété lié à leur exposition à l’amiante.

Le montant de l’indemnisation du préjudice d’anxiété prend notamment en compte, parmi les autres éléments y concourant, la nature des fonctions exercées par l’intéressé et la durée de son exposition aux poussières d’amiante.

La solution retenue :

Deux éléments ont été déterminants:

dans les navires de la Marine nationale construits jusqu’à la fin des années quatre-vingt, l’amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord. Ces matériaux d’amiante avaient tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d’entretien en mer ou au bassin. Dès lors, les marins servant sur les bâtiments de la Marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, étaient susceptibles d’avoir été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante.
l’attestation du directeur du personnel militaire de la Marine du 13 mai 2013, qui récapitule précisément les différentes affectations du marin et indique que  » pendant ces affectations ou mises pour emploi, l’intéressé a été exposé aux risques présentés par l’inhalation de poussières d’amiante.

Le Conseil d’Etat a alors rejeté le recours de la Ministre des armées en rappelant:

« que ce marin avait été exposé de manière intensive, sans protection particulière, lors de ses affectations à bord de navires de la Marine nationale, dans les conditions rappelées au point précédent, à l’inhalation de poussières d’amiante pendant une durée totale d’environ huit ans et quatre mois,

qu’il avait ainsi été exposé à un risque élevé de développer une pathologie grave de nature à engendrer un préjudice d’anxiété indemnisable, alors même que ses fonctions de commis aux vivres n’étaient pas de nature, par elles-mêmes, à l’exposer à un tel risque.
qu’il pouvait légitimement craindre de voir son espérance de vie diminuer du fait du manquement de son employeur à ses obligations de sécurité

Conseil d’Etat, 28 mars 2022, n° 453378

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