discrimination femme enceinte

Discrimination d’une femme enceinte : il incombe à l’employeur de produire tous les éléments permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Faits

Une femme a exercé les fonctions de « chargé de mission conseiller en insertion professionnelle, développeur de projet » au sein d’une communauté de communes . à compter du 4 décembre 2017 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée d’une durée de six mois, renouvelé le 23 mai 2018 jusqu’au 3 décembre 2018.

Par un courriel du 31 octobre 2018, elle a informé sa hiérarchie de sa grossesse.

Par la suite, elle a été placée en arrêt de travail du 8 au 13 novembre 2018. Par un courrier du 19 novembre reçu le 21 novembre 2018, faisant suite à un entretien ayant eu lieu le 14 novembre 2018 à son retour d’arrêt de travail, le président de la communauté de communes l’a informée de sa décision de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée.

Procédure

Elle a alors saisi la communauté de communes d’un recours gracieux assorti d’une demande préalable indemnitaire. Ces deux recours ont fait l’objet d’une décision implicite de rejet. Une semaine plus tard, la communauté de communes a publié une offre de contrat à durée déterminée pour un poste de conseiller en insertion sociale à laquelle elle a candidaté. Sa candidature a été rejetée.

Par un courrier du 10 avril 2019, elle a présenté une demande indemnitaire préalable auprès de la communauté de communes. Cette demande a été rejetée.

C’est dans ce contexte qu’elle a alors demandé au tribunal d’annuler ces décisions et de condamner la communauté de communes à lui verser la somme totale de 90 000 euros.

Que dit le droit ?
Discrimination 
  • Article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : « Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ».
  • Article 2 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : « (…) 3° Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité. Ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes motifs (…) ».
  • Article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations: « Toute personne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence

Administration de la preuve : S’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une mesure empreinte de discrimination de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une  discrimination, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.

Non-renouvellement de contrat

Pas de droit au renouvellement :

Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d’un droit au renouvellement de son contrat (Conseil d’Etat, 7 juillet 1972, Sieur Duforest, n° 81594, ; Conseil d’Etat, 23 février 2009, , n° 304995 )., ni d’un droit au maintien de ses clauses si l’administration envisage de procéder à son renouvellement.

Toutefois, l’administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l’agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l’intérêt du service (Conseil d’État, 9ème chambre, 17 juin 2021,n°438528; Conseil d’Etat, 5 novembre 1986, Commune de Blanquefort, n° 58870.) Un tel motif s’apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l’agent.

Délai de prévenance :

Article 38-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale :

« I.- Lorsqu’un agent contractuel a été engagé pour une durée déterminée susceptible d’être renouvelée en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l’autorité territoriale lui notifie son intention de renouveler ou non l’engagement au plus tard : (…) / – deux mois avant le terme de l’engagement pour l’agent recruté pour une durée égale ou supérieure à deux ans ; -trois mois avant le terme de l’engagement pour l’agent dont le contrat est susceptible d’être renouvelé pour une durée indéterminée en application des dispositions législatives ou réglementaires applicables. »

Solution retenue
Discrimination

Pour soutenir que le non-renouvellement de son contrat à durée déterminée à l’issue de son arrêt de travail est constitutif d’une discrimination à raison de son état de grossesse, elle relevait:

  •  que son entretien annuel qui s’est déroulé le 30 octobre 2018 à 12h30 était très favorable et qu’elle avait été informée oralement de l’intention de la collectivité de renouveler son contrat,
  • qu’elle avait prévenu par mail sa supérieure hiérarchique de sa maternité le même jour à 17h07
  • et qu’elle a été finalement informée, au cours d’un entretien avec la directrice des ressources humaines, du directeur du pôle des solidarités et de la directrice du servie initiatives sociales et santé le 14 novembre 2018 de la décision de ne pas renouveler son contrat au terme de celui-ci.

La juridiction a alors considéré que :

  • l’enchaînement chronologique de ces faits est susceptible de faire présumer une atteinte au principe de l’égalité de traitement des personnes. Dès lors, il appartenait à la communauté de communes  de démontrer que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
  • Compte tenu du changement d’appréciation quant au travail de Mme J. à la suite de l’annonce de sa grossesse et de l’absence des motifs sur lesquels se fonde la décision de non-renouvellement dans l’entretien d’évaluation du 30 octobre 2018, il y a lieu de considérer que la décision de non-renouvellement est fondée sur l’état de santé de Mme J., qui constitue un motif de discrimination, et non sur l’intérêt du service
Non-respect du délai de prévenance deux mois :

Mme J. a été en relation contractuelle avec la communauté de communes de V. du 4 décembre 2017 au 2 décembre 2018, soit pendant une durée de près d’un an. Par suite, la communauté de communes devait respecter un délai de prévenance de deux mois. Or, la commune n’a respecté qu’un délai de prévenance de 12 jours entre la notification à Mme J., le 21 novembre 2018, de son intention de ne pas renouveler son contrat et l’échéance de ce dernier. La méconnaissance du délai qui doit séparer la notification de l’intention de non-renouvellement du contrat du terme de celui-ci est susceptible d’engager la responsabilité de l’administration.

Préjudice

La juridiction a relevé  des troubles dans les conditions d’existence et du préjudice d’anxiété subis par Mme J. à raison des fautes commises par la communauté de communes de V., l’ayant privée de son emploi et de la possibilité de rechercher un nouvel emploi à l’expiration de son contrat de travail en raison de son état de grossesse et a condamné la communauté de communes à lui verser la somme de 10 000 euros.

Pour lire le jugement :
Tribunal administratif de Rennes, 21 février 2022, n°1902603-1903822 

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